Vous livrerez-vous « en blog », sur le net ?
Je ne sais si, comme moi, vous êtes étonné de l'apparition de ce phénomène des Eportfolios.
Bien sûr, le portfolio est, dans le monde de l'éducation, un classique établi de longue date déjà. En soi, le portfolio permet à son auteur de faire état de sa recherche et de son questionnement, par le cumul ordonné de ses travaux et de ses rapports de recherche, enrichi du relevé de ses expériences significatives de terrain… Le présentoir de documents, constitué de toute pièce jugée opportune, fournit de la sorte une vitrine du processus de formation, du chemin de progression et de l’état –toujours provisoire- de la recherche. Il diffère cependant du curriculum vitae en ce sens que le CV est orienté vers la sollicitation d’un emploi, alors que le portfolio, comme le press book d’un artiste ou d’un illustrateur, est plutôt le faire-valoir de la candidature… et surtout du candidat. Les portfolios de la première génération étaient en version papier.
Leur version en ligne n'est pas si ancienne que cela. Ce sont les plans d'équipement informatique des écoles et la démocratisation des tarifs de vente au grand public qui, en permettant aux étudiants d'avoir accès à une infrastructure auparavant encore réservée à un milieu aisé, ont développé le passage à la numérisation. La mise en ligne, elle toutefois, c’est encore une autre affaire ! Plus récente, voire en phase d’émergence. Deux développements technologiques ont amené la situation actuelle : la mise en réseau et le développement grand public des interfaces "blog".
La mise en réseau, d’abord, a permis l'édition de pages personnelles
qui furent une première version des portfolios, rendant ainsi leur
diffusion plus aisée. Mais la publication elle-même restait cependant,
l'oeuvre de spécialistes. L’html requiert en effet une formation à
laquelle tous n’ont pas accès. L’hébergement sur un serveur distant est
une opération supplémentaire bien plus étrangère encore à la
préoccupation de beaucoup de chercheurs et d’étudiants.
Mais
l’apparition des interfaces simplifiées d’édition en ligne, les blogs,
a chamboulé le paysage et, par le fait même, les pratiques
d’édition. En effet, en recourant aux interfaces des « carnets en
ligne », la blogosphère, beaucoup ont découvert la facilité technique
de mettre en ligne une contribution -si pas journalière, du moins
régulière- sur l’avancement de leurs travaux ou sur l’état de réflexion
suscité par leurs recherches en cours.
Ce qui étonne toutefois le
plus, ce n’est pas le recours à la technologie, puisque son évolution
s’est faite vers une simplification des processus, mais bien plutôt le
geste même de la mise en réseau quotidienne de son état de pensée. On
assiste à l’émergence d’un réseautage de la pensée qui autorise les
connexions de tous à tous, à tout moment de la réflexion. On l’appelle
« connectivisme (1) ».
Certes, le « partage à flux tendu » n’est peut-être pas si dense en informations abouties qu’une publication d’article ou de thèse… laquelle survient au terme d’un long travail de formalisation. Mais c’est le partage du questionnement qui semble bien l’emporter dans cette démarche de publication carnetière, un partage permanent de l’énonciation progressive et provisoire d’une hypothèse à construire et l’inventaire quotidien -ou presque- des lectures faites, notamment sur les blogs des autres chercheurs mutuellistes, qui permettent d’envisager des pistes de résolution.
Cette manière de penser collectivement se fait dans l’application concrète de ce principe qui voudrait que « plus on échange et plus on ira vite et loin dans les énonciations d’hypothèse et dans leur résolution ». Et que cela se fasse gratuitement, sans souci premier de propriété intellectuelle, est sans doute le changement de paradigme que certains adoptent sans plus trop regarder derrière eux, convaincus qu’ils sont que l’avenir appartient à ceux qui pensent les projets de façon dynamique et mutuellisée, plus qu’à ceux qui les ressassent longuement avant d’en faire profiter la communauté internationale, à coup de publications abouties… et facturées.
Quel rapport, direz-vous peut-être, avec l’Education aux médias ? L’observation critique que nous pouvons maintenant tenter de faire d’une émergence liée à un apport technologique, celle d’un nouvel individu : « l’homme, réseau pensant ».
(1)Lire : Lire : Georges SIEMENS : http://www.elearnspace.org/Articles/connectivism.htm