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Mediacteur

28 avril 2015

Prendre congé

MB_siteEcoloC'est au milieu des années '90 que j'entamais une mission en Education aux Médias au service de mes collègues de l'enseignement Libre francophone en Belgique. Devenu formateur à Média Animation (Bruxelles), le Centre de ressources de mon réseau, je faisais aussi le choix de signer ma présence sur le net du pseudo "Médiacteur", le néologisme qui désignait aussi un programme de formation à distance en Education aux Médias que je venais de suivre auprès de l'organisme qui m'engageait.

Vingt ans se sont écoulés qui m'amènent en avril 2105 à la pré-retraite. Déposé là le baluchon. Place aux jeunes qui, ces dernières années, ont rejoint l'équipe. Place aussi à un(e) remplaçant(e) qui me succèdera dans les dossiers et les chantiers nombreux pour que l'EAM se développe toujours plus.

J'aimerais, si pas fermer ce blog professionel, du moins l'estampiller d'une contribution sous forme de bilan. Mais je ne garderai pas le dernier mot pour moi. L'envie sera en effet de poursuivre par le copier/coller d'un éditorial signé Denys Lamontagne (Thot Cursus) qui arrive à point nommé, alors que je dépose ma valise. Ces deux textes seront comme une parenthèse de fermeture... sans que le point final ne soit nécessairement mis à cet espace d'expression... Mais à l'évidence, j'y serai maintenant moins présent.

A l'adresse de mes collègues, je prononçais il y a peu, ces quelques mots :

Envisageons donc ceci comme une salutation au terme d’un parcours de 20 années dans un chouette boulot dont j’aimerais donc, en finale toujours provisoire, vous partager ce qui m’aura fait faire sens. Et le prof que je fus commencera par parler un peu de pédagogie.

« Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Qu’as-tu que tu n’aies à partager ? » C’est là que se trouve une des premières intuitions de mon parcours d’enseignant. La terre, le savoir, la vie même, tout nous a été donné. Il nous faut, il me faut en  tout cas, transmettre à mon tour. Ou plutôt « faire accoucher ». Ce sera aussi la fonction de ces quelques lignes : mettre des mots sur des choses vécues pour en partager un peu du fruit.

Quelques maximes exprimeront peut-être mieux que mille mots ce qui aura guidé mes choix. Une première phrase que j’avais affichée sur un mur de ma classe : « Apprendre, c’est oser faire une première fois une chose que je ne sais pas encore faire avec l’envie de le faire mieux à l’avenir ». Enseigner… un métier qui ne s’apprend pas à l’école. Et sans doute encore moins à l’université. Que d’erreurs commises sans doute à mes débuts de jeune prof… « Essais et erreurs »… une nécessité pour progresser. Un droit que j’aurai finalement trouvé légitime de pratiquer avec les profs que j’aurai accompagnés pendant 20 ans en formation. Un droit qui aura été au cœur de ma propre pratique. Ne sachant pas trop comment on enseigne, j’ai embrassé la carrière durant 15 années. Ne sachant pas trop ce que c’est que l’EAM et la formation d’adultes… j’ai là aussi compté sur les collègues pour apprendre et faire une première fois sans le savoir ce que j’ambitionnais dès lors de faire mieux avec le temps.

« J’ai cherché à vous apprendre à vous passer de quelqu’un qui vous dirait ce qu’il faut penser, qui vous dirait ce qu’il faut voir ». Je pense en effet qu’on n’apprend pas à autrui. Si le prof enseigne, l’élève lui, apprend (même si, dans cette relation, l’enseignant apprend toujours et a, dès lors, l’occasion de faire de nombreux progrès). Enseigner, c’est sans doute très peu souvent transmettre, même s’il y a un bagage qui accompagne l’apprenant et qu’il faut le lui fournir. Enseigner, c’est sans doute plutôt doter celui qu’on accompagne d’un équipement, d’outils pour qu’il construise lui-même ses apprentissages.

« Enseigner, former, ce n’est pas remplir un seau… c’est allumer un feu ! » Il ne peut donc sans doute y avoir de meilleure posture enseignante, de meilleure posture de formateur que lorsqu’on partage son propre enthousiasme à apprendre. Et que l’on est encore donc occupé d’apprendre pendant qu’on accompagne ses élèves. J’ai souvent exprimé en formation, ce schéma de Jean Fourastié, penseur français, qui représentait par un disque le savoir que l’on se construit. En trois disques de plus en plus grands, il figurait la croissance du savoir de celui qui apprend. Et il faisait remarquer qu’au fur et à mesure de cette croissance de la surface, la circonférence grandissait tout autant. Cette circonférence, rappelait-il, est le point de contact entre ce que je sais et ce que je ne sais pas. Plus je sais de choses et plus je prends conscience que j’en ignore donc d’autant plus. De ce fait, je pense qu’être enseignant, être formateur demande d’être modeste. Modeste, parce que finalement, on ne connaît que peu de choses et que l’évolution du monde rend très vite obsolète des choses qui servaient hier et n’auront plus beaucoup d’importance demain. Regardons l’apport des technologies. Que de choses apprises pour les faire fonctionner dans nos vies avec pertinence et qui sont aujourd’hui dépassées, inutiles, car on ne fait plus les mêmes choix, parce que les priorités ont changé.

« On forme aujourd’hui aux métiers de demain, on apprend à utiliser des technologies qui n’existent pas encore ». Difficile dès lors d’être sûr de ce que l’on fait. Une nouvelle fois, la modestie doit primer. Mais cela signifie aussi que l’on n’est responsable que de soi-même. Une part de lâcher prise doit nous habiter… Il se passe des choses dans un accompagnement de formation que nous ne maîtrisons pas et qui peuvent surgir notamment des interactions que l’on autorise. C’est la raison pour laquelle, ces dernières années, j’ai été très sensible à l’arrivée sur le marché des technologies, d’outils de collaboration… et que Wikipédia m’est un modèle très cher dans le domaine de la construction collaborative des savoirs..

35 ans de travail m’ont confronté quotidiennement à ces interrogations. Essais et erreurs, conviction que je n’en connais que très peu et que je dois continuer à réévaluer mes propres savoirs pour construire de nouvelles postures toujours plus adaptées à un monde qui change.

Quand j’enseignais encore, j’utilisais l’image suivante pour dire combien, selon moi, le monde prend de la vitesse dans son évolution. Je disais que l’enfant aujourd’hui, apprend à marcher dans un train lancé à TGV. Il doit toujours faire ses apprentissages de base, comme nous avons dû les faire, mais alors que nous avons appris à marcher sur le sol stable de la maison familiale, lui apprend sur un sol en mouvement, avec des repères au niveau du regard, qui sont le paysage qui défile à la fenêtre du train. Les apprentissages qu’il fait ne sont plus tout à fait de la même nature que les nôtres.

Et donc, quand je suis arrivé à Média, modestement, j’ai envisagé que je devrais tenter d’acquérir et de garder 400 mètres d’avance sur les enseignants que j’aurais à accompagner, en osant des pratiques d’avant garde qui n’existaient pas encore. Avec pour mission de rendre l’appropriation de celles-ci la plus aisée possible… en révélant donc aux profs que les choses sont à leur portée, simples. Mais en me mettant donc toujours en danger de les voir dès lors très vite me rattraper.

 

Ci après l'édito de Denys Lamontagne qui laisse percevoir par quoi nous sommes passés ces 20 premières années... et qui annonce la suite que je laisse à plus jeune que moi... encore beaucoup de travail, ah ça oui !

"On peut enfin dire que la technologie fonctionne dans la plupart des lieux de formation. Ce qui diffère maintenant est surtout le niveau de technologie utilisée.

Grâce aux branchements automatiques, à des protocoles robustes et à de meilleurs systèmes d’opération, la crainte de voir son activité interrompue intempestivement par une défaillance technique est presque chose du passé. L’effet pédagogique des technologies est finalement la seule question qui importe.

Des jeunes qui ont toujours été accompagnés par les technologies sont maintenant parmi nous. La question de fonctionner avec les technologies en éducation ne se pose même plus. Il nous reste à trouver les meilleures façons de les utiliser et d’évoluer avec elles."
http://cursus.edu/dossiers-articles/dossiers/198/fonctionne/0/#.VT95cma0cne

 Bon vent à tous !

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5 mars 2015

Représentations de Charleroi par Giovanni Troilo : subtil glissement de sens entre textes et images

giovanni-troilo-disqualified-storyCette année encore, la photo primée dans le cadre du World Press Photo Award[1] est au cœur d’un débat passionné. S’y adonnent d’une part les professionnels de l’image et d’autre part les représentants politiques de la Ville de Charleroi qui estiment dénaturée la représentation de leur cité. L’an dernier, nous avions déjà rapporté la teneur des échanges polémiques entourant le choix 2013 : l’Enterrement à Gaza[2]. Il s’agissait à l’époque de réflexions entourant la technicité de la prise de vue, ainsi qu’une prise de position sur le statut même d’une photo de presse. Cette année, c’est du travail journalistique dont il est question, le photographe de presse participant en effet, lui aussi, à la mission d’informer.

 

Assez logiquement chaque année, la photo qui se voit décerner le WPP Award fait-elle l’objet d’une présentation dans les médias. C’est l’occasion de présenter la photo, le photographe primé, mais aussi de révéler une tendance, voire éventuellement de pointer des ruptures, dans cette pratique journalistique particulière : la photo de presse.

 

Primer un cliché, c’est choisir une « bonne » photo parmi des centaines produites, et diffusées ici dans un contexte particulier : celui de l’information par l’image[3]. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est une « bonne » photo… l’idéal se cherchant dans un juste équilibre entre information délivrée et qualité photographique[4].

 

Le débat qui avait surgi autour de la sélection de 2013 amenait l’argumentation sur le terrain de la technique : peut-on retoucher une photo de presse et admettre dès lors un travail de composition (à tout le moins de post-production) ? Jusqu’où y a-t-il alors place pour une recherche esthétique ? Faut-il plutôt prétendre que celle-ci est déplacée à partir du moment où l’on estimerait que la photo de presse se doit d’être, autant que faire se peut, un instantané, un « pris sur le vif » ?

 

Photo de presse ou de concours

La réflexion se justifiait aussi du fait qu’une photo publiée dans un support de presse se voyait parfois ensuite retouchée pour concourir… en satisfaisant à des critères d’une autre nature. En l’occurrence pourtant, le règlement prévoit que  " Le contenu de l’image ne doit pas être altéré. Seule une retouche conforme aux standards couramment acceptés dans la profession est acceptée ",… un principe pour lequel  il semble toutefois que les jurés aient été abusés… ou peu regardants, en 2013.

 

Or, déjà la promotion de 2009 avait produit son cas d’école. Stepan Rudik s’était vu décerner le troisième prix dans la catégorie « Sport », avant de voir son cliché disqualifié (retiré) pour « manipulation excessive de l’image originale »[5].

 

On l’a compris, ce qui faisait problème dans ces deux éditions précédentes, c’était la dimension « composition » de la démarche. Un processus qui a pleinement sa place dans la création d’une œuvre d’art, fut-elle à haute valeur politique et comportant un caractère résolument militant, mais qui pervertit le caractère original de la captation « prise sur le fait » que l’on attend, semble-t-il, de la photo de presse.

 

Or, voici que l’argumentaire, introduit cette année pour demander une nouvelle fois la disqualification de la photo primée, porte cette fois sur le travail journalistique duquel la photo participe. Et c’est le bourgmestre de Charleroi lui-même, Paul Magnette, qui est à la base de la demande de disqualification, argumentant du fait que, publiée sous le titre « Charleroi, le cœur noir de l’Europe », la photo présente « une sérieuse déformation de la réalité et porte préjudice à la Ville de Charleroi, à ses habitants, ainsi qu’à la profession de journaliste »[6] .

 

A l’évidence donc, le débat porte cette fois sur la compréhension de ce qu’est le travail journalistique et sur la manière dont une photo y participe, ou contrevient à la déontologie de la profession.

 

Ethique journalistique

Pris à témoin par le magazine Le Vif qui développe le sujet, le photojournaliste Thomas Van Den Driessche  dénonce « le parti sensationnaliste pris par le photographe et sa vision très personnelle de la ville ». « Le plus gros problème », dit-il « est que l'information qu'elles véhiculent (les photos) est complètement falsifiée! Il n'y a qu'à lire les légendes tout à fait mensongères pour se rendre compte qu'il travestit complètement la réalité. C'est à l'encontre total de l'éthique journalistique exigée par ce genre de concours[7] ».

 

Ce qui apparaît donc ici, c’est que le photographe revendique de pouvoir composer son cliché au point de solliciter des acteurs et de les enraciner dans un montage savamment orchestré. Ainsi, en prenant à titre d’exemple la photo de Philippe Genion apparaissant torse nu dans son appartement, le Vif reprend les propos du carolo qui confirme avec force détails sur sa page Facebook les réglages minutieux de la mise en scène imaginée par l'équipe de Troilo. Il affirme que le photographe lui avait clairement dit qu'il "ne faisait pas un reportage, mais un travail photo".

 

De plus, à côté de ce qui constitue une vraie création photographique, on s’aperçoit aussi que le sens de la photo se cherche dans l’adjonction d’une légende et d’un commentaire. Ce dernier est apposé de façon identique à chacune des photos de la série. Il dit : « Charleroi, une ville proche de Bruxelles, a connu l’effondrement de son industrie, la hausse du chômage, une immigration en constante augmentation et une explosion de la petite criminalité. Les routes autrefois fraîches et soignées, apparaissent aujourd’hui désolées et abandonnées, les industries ferment et la végétation envahit les anciens districts industriels ». Pour la photo figurant Philippe Genion, la légende dit : « Philippe habite un des quartiers les plus dangereux de la ville ». Interrogé sur son propre portrait, le carolo qui se sent pris au piège du projet de Troilo commente : « Je trouve la photographie très belle. Mais si on sort cette photo de son contexte, et qu’on l’associe à une idée d’obésité névrotique causée par le chômage, on est totalement hors sujet ».

 

Or, ce ne sont pas moins de 10 clichés aux couleurs sombres qui concourent pour raconter cette ville perçue comme le « Cœur noir de l’Europe » par le photographe italien. On le comprend bien, ajoutés à leurs codes symboliques représentant la noirceur, la folie, l’obésité, la drogue, l’isolement, etc., titre et légende orientent négativement la compréhension de cette collection. Thomas Van Den Driesche conclut dès lors : « Pour moi, ce reportage est plus un voyage personnel du photographe italien dans l'imaginaire de Charleroi. Selon moi, Troilo a tenté de construire un docu-fiction transformant l'entité de Charleroi en une sorte de "No Go Zone" à la Fox News. Je ne pense pas être le seul à être choqué, et je ne veux pas me résigner à voir mon métier glisser vers des dérives aussi sombres ».

 

L’impact de la légende

Le journal Le Soir du lundi 2 mars revenant sur le sujet prend comme exemple « l’image de la dame dont le visage est collé sur la table ». Légende pour le World Press : « Une femme dans un asile psychiatrique ». Et, en dessous, le texte sur Charleroi que nous avons mentionné ici plus haut et qui inévitablement suggère comme un lien de cause à effet. Or, le commentaire rapporté cette fois par le quotidien Le Soir, nous apprend que « Ma grand-mère vit dans un asile. Aujourd’hui, sa fille, ma tante, y réside aussi. Le propriétaire est très gentil et tout le personnel semble très fier de l’hospitalité de cette structure qui prend soin des aînés et des gens ayant des problèmes psychiatriques. La femme penchant la tête sur la table est l’amie de ma tante ». Et le journal de conclure : « Pas vraiment la même histoire » (NDLR : tout cela en changeant juste le texte accompagnant la photo elle-même inchangée).

 

A l’évidence, textes et images se nourrissent l’un l’autre pour faire émerger un sens. Qu’il s’agisse d’un point de vue d’auteur sur la cité wallonne tout le monde l’admettra. Que ce travail soit perçu comme un reportage remplissant toutes les exigences de la déontologie journalistique, on sera moins enclin à le penser. Mais qu’importe, si le journaliste affiche son parti pris, c’est encore son droit. Ce qui semble moins opportun, c’est qu’un concours qui cherche d’année en année à primer une pratique professionnelle de qualité pointe ce choix comme emblématique d’une « bonne pratique de presse ».

 

Le concept de photo de presse se décline diversement : photo de reportage, caricature, infographie. Si le cliché type n’est pas nécessairement un instantané (être au bon moment au bon endroit avec un appareil prêt à immortaliser l’événement)… il faut alors admettre que le travail de post-production s’invite pour compléter, améliorer et faire sens. Dans cette démarche de diffusion, l’ajout d’une légende permet un choix décisif. Si le but final de la démarche de presse est de révéler le sens d’un événement, il se peut aussi que le travail d’expression graphique s’exprime autrement que la captation photographique d’un fait. C’est alors que l’infographie, le dessin de presse ou la caricature vont mettre en scène. On est à ce moment dans la composition totale. C’est ici que se pose la question qui sous tend tout le choix 2015 des photos de Troilo sur Charleroi : si à défaut d’infographie, de dessin ou de caricature, le photographe compose un tableau (une mise en scène) qu’il immortalise ensuite, est-on encore dans la photo de presse ? La photo informative ? Ou est-ce plutôt de  l’interprétation pure et simple ?

 

De quoi s’agit-il ?

N’est-ce pas le matériau, en fait, qui est en cause ici. En effet, pour présenter Charleroi faut-il que les acteurs soient eux-mêmes carolos ? Et s’il s’agit en fait de composition, cela ne devrait-il pas être mentionné. Un peu comme quand la pub s’annonce par un générique spécifique permettant au spectateur de comprendre qu’on le place pour un moment dans un genre qui ne prétend pas être « la représentation du réel », mais bien un discours spécifique qui avoue une intention particulière : faire la promotion d’un produit ou d’un service.

 

Voilà sans doute ce que le WPP Award ne précise pas, manquant finalement à la plus élémentaire des déontologies : annoncer le statut de ce qu’elle prime : une photo de composition dans le cadre d’un reportage concourant dans la catégorie « Thèmes contemporains ».

 

Dans son interview à la RTBf[8], Paul Magnette disait qu’il ne s’attendait pas à ce que le prix soit retiré à l’artiste, mais il souhaitait que la plainte soit l’occasion d’une réflexion sur le statut de l’œuvre, de sorte que Charleroi sorte quelque peu redorée par une mise en perspective de ce « regard sombre sur le Pays noir ». Si le prix reste finalement décerné, le WPP Award reconnaît toutefois dans un communiqué par lequel il souhaite clore les discussions, que la composition n’a pas sa place en journalisme. Un communiqué qui ajoute malgré tout à la confusion[9]… car n’est-ce pas la transparence du processus qui doit finalement laisser le lecteur interpréter ce qu’il a sous les yeux, en l’occurrence ici, une thèse sur Charleroi ou un reportage photos d’info de presse.



[1] Catégorie : Sujets contemporains

[3] Ne concourent que des photos qui ont effectivement été diffusées dans leur support de presse

[4] L’esthétique figurant alors au cœur de l’appréciation

[8] Voir : https://www.rtbf.be/video/detail_jt-19h30?id=1997114 dès la 30ème minute et jusqu’à 34’34“.

23 juillet 2014

Analyses de l'été : Superstar : Pourquoi ?

La similitude était trop flagrante pour ne pas en faire l’accroche de notre analyse : alors que le buzz autour d’Axelle Despiegelaere semble toucher à sa fin, après la finale de la Coupe du Monde de football, la RTBF diffusait ce lundi 14 juillet 2014, « Superstar », le dernier film de Xavier Giannoli traitant de la médiatisation éclair d’une personnalité « banale » devenue donc, en quelques jours et contre son gré, la cible de tous les médias. Kad Merad, qui incarne le personnage central de Martin Kazinski, n’a qu’une question tout au long de cette comédie dramatique : Pourquoi ? Pourquoi cette montée en popularité, lui qui s’estime un personnage sans intérêt. Une question qui mérite d’être appliquée au cas « Axelle DSP » pour illustrer combien la crédibilité d’une fiction se niche souvent au cœur d’une observation rigoureuse de l’actualité, en l’occurrence ici, celle des réseaux sociaux et des massmédias d’information.

Capture d’écran 2014-07-23 à 11« Une gamine de 17 ans va au Brésil pour supporter l'équipe de son pays. Le radar à loches des caméras du mondial la repère. Elle est appétissante. Tout le monde en parle. On la filme beaucoup. On apprend même dans la presse que sa famille est millionnaire (au cas où on pensait qu'elle y était allée en stop et dormait au camping avec ses étrennes). Les médias feuilletonnent, les gens likent. Une marque s'intéresse à un joli minois vaguement populaire. Quelqu'un découvre une photo d'elle (ou pas ?) à la chasse aux zanimaux. La marque, qui, jusqu'à l'année dernière, a laissé des animaux mourir en labo, semble ne pas vouloir qu'ils meurent sous les balles des jolies donzelles. Elle veut éviter le scandale et arrête son éphémère-par-nature collaboration avec la gamine. Axelle devient soudainement "une grosse pute qui n'a que ce qu'elle mérite[1]".

Reconnaissez-le, cette description a tout d’un synopsis ! Et il ressemble étrangement à celui de « Superstar », le dernier long métrage (2012) de Xavier Giannoli inspiré du roman de Serge Joncour : « l’Idole ». Giannoli, le réalisateur à qui l’on doit notamment « Quand j’étais chanteur ». C’est Kad Merad qui incarne le personnage central, Martin Kasinsky, lequel est la proie d’une chasse médiatique dont il ne comprend en rien la raison d’être , et qui ne trouve aucun moyen pour la faire cesser.

Tout au long des 112 minutes du film, on se demandera avec lui « Pourquoi ? ». Quelle est non seulement la raison de cette popularité, lui qui s’estime personnage sans intérêt, mais aussi quelle éventuelle maladresse de sa part dans l’usage des réseaux sociaux ou quel mécanisme de marketing qui a pu déclencher dès lors ce profilage tournant finalement à lynchage médiatique ? [2] La chaîne de télé a-t-elle tout manigancé en imaginant un scénario de télé réalité ignoré même de la journaliste-enquêteuse de l’émission. Fleur Arnaud, jouée par Cécile de France, est-elle donc finalement complice involontaire d’une machiavélique machination dont elle finira par se désolidariser ? La chute du film n’apportera finalement pas la réponse, le réalisateur ayant préféré mettre le focus sur la description fine des mouvements de masse générés par les soubresauts de la médiatisation.

Bimbos du futebol

Mais avant d’entrer dans l’analyse comparative des deux figures, celle de fiction versus celle de l’actu footballistique récente, rappelons que chaque coupe du monde ou chaque mondial est l’occasion d’une véritable chasse aux visages emblématiques dans les travées des gradins. Car le football[3], c’est bien sûr une compétition qui se déroule sur la pelouse, mais c’est aussi une communion partout dans le stade. Une communion qui permet dès lors une communion du public dans le stade avec le public disséminé devant les écrans de retransmission.

Un genre photographique

Ce n’est pas pour rien que les caméras sont disposées de sorte à pouvoir aussi capter ce qui s’y passe… S’il y a (deux fois) 11 joueurs sur l’herbe, on sait que le douzième homme est dans les tribunes et qu’il fait parfois la différence. Et si le douzième homme est une femme, en termes de sélection d’images, les cameramen et les photographes s’y entendent pour ne sélectionner en gros plan que les plus jolis minois. Croyez-le ou non, c’est un véritable genre photographique. Pour preuve, ces 155 clichés[4] publiés en une seule page web, et qui font la part belle à la gente féminine réunie au Brésil, cet été 2014. Des photographes sont même là avec ce seul objectif de reportage[5], laissant à leurs collègues la couverture des phases de jeu Un peu comme certains vont au salon de l’automobile pour y photographier principalement les hôtesses des stands d’exposition. Et l’esthétisation est garantie : tenues, accessoires, tatouages, maquillages et centimètres de peau exposés, tout y concourt !

Alors… 2014, une année lors de laquelle les femmes ont particulièrement aimé le foot ? Détrompez-vous. C’est une question de représentation médiatique : être reconnue « Bombe de la Coupe du monde[6] » correspond à une plastique qui a ses canons. Un exemple pour 2012 ? La page de Larisa Riquelme[7], l’égérie paraguayéenne qui avait fait sensation… avec son « petit étui téléphonique ». Et si en 2014 la profession a remis le couvert, Axelle DSP n’est pas la seule a avoir profité de cette surexposition dont nous analyserons les phases successives de jeu. Mais constatons d’abord que, l’Allemagne ayant été jusqu’en finale, c’est une teutonne[8] qui a volé la vedette à notre déesse des stades brésiliens, en mettant en avant  d’autres arguments que sa seule jeunesse. Actons donc que la couverture d’un match sportif s’attarde longuement dans les gradins pour y immortaliser tout ce qui peut ajouter à la scénographie du sport : les calicots, les fumigènes, les hola… et les jolies filles (plus que les jolis garçons, c’est un fait !).

Catapultés sur la scène médiatique

Pour Kasinsky, le héros de « Superstar » comme pour Axelle DSP, dans un premier temps, le public de la rue prend fait et cause. Voilà bien un personnage qui nous est proche… un autre nous-mêmes qui sort fortuitement du lot, et dans lequel beaucoup vont se projeter. Comme pour Kasinsky, les supporters belges, flamands et wallons, se reconnaissent en Axelle. Le fait qu’elle soit jolie ajoute à la facilité de chacun, filles et garçons, de la trouver emblématique d’une nation toute entière derrière ses diables. Mais là où Kasinsky, l’adulte posé, s’interroge longuement, il semble bien que la jeune-fille, plus insouciante, se laisse porter. Un choix de génération ?

Entrer dans le jeu médiatique ou pas, finalement toute la question est là. Bénéficier d’une E-réputation ou d’une identité médiatique ne semble pas faire problème à la Digitale native Axelle. Pour Kasinsky le migrant[9] qui pourrait être son père, la question est toute autre : une réputation, cela se mérite. Kasinsky cherche des raisons, un motif suffisamment fort pour légitimer cette adhésion populaire. Qu’a-t-il fait ? Qu’a-t-il dit ? Pourquoi ?

Axelle DSP, elle, est jeune étudiante du tournaisis qui poursuit ses études à l’internat pour filles du Val Notre-Dame à Antheit, près de Huy. Ses parents, issus d’Izegem, sont dans la finance et les affaires liées au secteur du textile. La fille de bonne famille a plutôt le profil « fille à papa ». Le fait que des photographes l’aient repérée pour sa plastique avantageuse renforce sans doute un ego bien affirmé. La fille, parfaite bilingue, est déjà bien dans sa peau avant toute cette médiatisation dont elle va faire l’objet. Par comparaison, c’est sans doute là le point faible de Kasinsky. La séquence très prenante de l’interview par le psy, durant la seconde parution à la télévision, semble indiquer que ce qui arrive est finalement ce que Kasinsky a toujours recherché  inconsciemment : une opportunité de s’exposer, de sortir de lui-même, de clamer son existence originale. A défaut de cela, il se trouve sans intérêt et s’enferme dans un mutisme interrogateur. Et puis survient ce cri primal[10], repris en chœur dans les médias et sur le net par tous ceux qui, comme lui, en ont marre d’être traités comme des gens « banals[11] ». Kasinsky va-t-il démarrer une nouvelle vie ? Tous ceux qui le suivent, et se reconnaissent en lui, attendent ce revirement existentiel qui ne viendra pas. Ils espèrent sans doute que son combat sera le leur par truchement médiatique.

Tous pour un

Cette cohésion sociale autour de la vedette du moment, c’est ce qui se vit sur les réseaux sociaux. A côté du profil personnel de la jeune fille, il s’en crée d’autres (personnels, pages et groupes) gérés par on-ne-sait qui. Des utilisateurs de Facebook qui n’hésitent pas à usurper son identité tant ils se sentent sans doute proches d’elle. Des gens s’expriment ouvertement pour soutenir la jeune-fille… comme on l’a fait longuement jadis dans les blogs en postant des commentaires. Même parcours pour Martin Kasinsky. Mais la rencontre de l’homme et de son public est mise en scène de façon non virtuelle : dans un super marché. Des clients réclament des autographes, sont quasi prêts à un soulèvement identitaire : oui, nous sommes des gens « banals », mais des gens banals ont une identité toute aussi remarquable que les pontes du showbiz. Une nouvelle fois, le héros se débine, décevant son club de supporters.

Business is business

Le star système n’est pas enfant de chœur. S’il mise des sommes importantes, il en attend un retour sur investissements. Quand Martin K. vient s’expliquer pour la troisième fois en plateau, et qu’au moment d’entrer en scène, il s’effondre, même Fleur qui croit en lui et le respecte, sort de ses gonds et le sermonne. Axelle DSP, de son côté, n’a pas démérité. Mais son jeu est plus simple : il lui suffit de paraître, disponible et souriante. En retour, elle reçoit sa gratification. L’Oréal lui propose une participation publicitaire à sa compagne de produits[12]. Pour elle, c’est dans la poche ! Kasinsky, lui, se voit offrir un repêchage : mais c’est une société mafieuse qui se propose de l’engager. Le parallèle est évident : derrière tout ce cinéma, il y a un modèle économique, des enjeux financiers conséquents. Et le public est finalement pour ceux-là, « un temps de cerveaux disponibles pour la pub qu’on leur sert[13] ».

Une antilope pour bouc émissaire

Là où Axelle DSK manifeste des aptitudes, Martin K. se plante royalement. A la proposition de collaboration que lui propose la chaîne de télévision, il oppose un refus catégorique. S’en suit un véritable lynchage médiatique où il est accusé d’avoir voulu se servir du star système pour son seul profit. Le public ne peut dès lors plus se reconnaître dans son héros et c’est la mise à mort ! On ne peut dire avec précision si ceux qui ont encensé le Tartuffe sont les mêmes qui l’assassinent, mais il est prié d’endosser le rôle de bouc émissaire qui permet au public de se décharger des sentiments négatifs générés par ce spectacle peu convaincant.

Le dérapage médiatique d’Axelle DSP est orchestré autour d’une publication polémique. La photo d’une partie de chasse en Afrique du Sud où elle apparaît, fusil à la main, à côté de son trophée : une antilope Orynx. Si elle a elle-même publié cette photo sur son mur Facebook, c’est une recherche minutieuse sur sa personne qui en permet la publication dans les médias… au moment favorable. C’est cette même probable « mauvaise gestion de son identité numérique » qui est sous entendue à un moment donné dans le film Superstar, pour expliquer ce qui serait un coup monté autour de l’infortuné Kasinsky : N’a-t-il pas publié sur un site de rencontre, des infos dont on s’est servi pour l’aduler d’abord et le flinguer ensuite ?

Mais nous l’avons dit, peu importe le motif du dérapage après tout, pour Xavier Giannoli le réalisateur, l’essentiel est dans la description du mouvement de la foule qui aime un jour et qui n’aime plus le lendemain.

Tel Icare, les ailes brûlées, Axelle a chuté. Non seulement son contrat avec L’Oréal a été écourté, mais sa popularité s’est effondrée sous les commentaires assassins d’une horde de défenseurs du monde animalier. Emocratie fatale qui trucide sans vergogne. A lire la presse des lendemains, il semble bien que la leçon soit sans appel : la jeune fille préfère s’effacer et reprendre ses études[14]. Dont acte. Générique !

Le film Superstar, lui, se termine sans véritable chute. On aurait pu imaginer que Kasinsky finisse en anti héros. En fait, la chute se fait attendre et porte un autre regard sur l’aventure médiatique de notre héros sans histoire. C’est à la façon d’une émission comme celles que pilote Mireille Dumas[15] que Martin K. va finir son parcours. Il publiera un livre sur son aventure qui, sans pourtant devenir un best seller,  permettra de boucler la boucle, : un homme sans histoire se réveille un matin avec, pour mission de porter la voix des sans voix, d’incarner le visage de tous ceux-là que l’on ne voit pas tant ils sont « banals ». Ne réussissant pas à répondre aux attentes de ce public pathétique[16], il est immolé sur le bûcher de la commisération collective. C’est finalement cette déchéance qui le fera exister, passant du statut d’homme sans histoire à celui d’écorché vif des médias. Un bon synopsis, n’est-ce pas ?

Les commentaires assassins publiés ces derniers jours dans les réseaux sociaux à propos de celle qui eut pu être la Bombe du mondial 2014 au Brésil, procèdent-ils autrement quand ils concluent finalement de l’aventure d’Axelle DSP que « cette grosse pute n’a que ce qu’elle mérite » ?

Une émocratie sans demi mesure et sans appel, pour l’un comme pour l’autre.


[1] Citation intégrale, telle que publiée dans un forum, par un anonyme.

[2] Une courte scène laisse entendre que cela pourrait être l’explication : Kasinsky aurait publié des infos sur un site de rencontre et la chaîne de télé a créé le buzz autour de sa personne pour alimenter un projet de télé réalité type Truman show. (Petite précision, le film devait initialement s’intituler : Talk-show).

[3] La chose se vérifie aussi dans d’autres sports. Pensons spécialement au tennis dont les retransmissions accordent une large place à l’identification dans le public de personnalités mais aussi de visages inconnus sélectionnés pour la beauté de leur plastique.

[9] Digital native et migrant sont des expressions utilisées par Marc Prensky pour décrire deux générations diversement positionnées face à l’apparition du numérique dans le quotidien. La première est né à l’époque du numérique, la seconde, antérieure à cette émergence technologique doit s’adapter en migrant ses usages de l’analogique vers le numérique.

[10] Plan très particulier du film ou, sur le plateau de télé, le héros n’a pour réponse au psy qui l’interroge qu’un immense cri, lequel n’est pas sans rappeler celui poussé par l’enfant qui entame sa (nouvelle) vie d’homme.

[11] Ce terme utilisé par le présentateur du talk-show lui vaut de presque perdre sa place et de devoir à tout le moins présenter ses excuses à l’antenne.

[13] Phrase restée célèbre dans la bouche du directeur de TF1, Patrick Lelay

[15] On pense ici naturellement à « Vie privée, vie publique ».

[16] Pathétique vient de pathos et signifie qui émeut… mais sans doute faut-il y entendre aussi un public qui s’émeut… plus que de raison.

23 juillet 2014

Analyses de l'été : « First kiss, first slap… » et on s’arrête où ?

Oeuvre de la réalisatrice Tatia Pilieva, le film « First kiss[1] » met en scène vingt inconnus qui, sans se connaître, se donnent un baiser pour la première fois, sous l’œil voyeur de la caméra. Car sans autre forme d’explication, le spectateur est invité dans l’intimité d’un couple dont la composition fortuite et toute provisoire perturbe un des tabous les plus communs de la vie affective : on n’embrasse pas qui on veut à pleine bouche ! Partant de là, le concept provocateur façon « cap ou pas cap ? » est aujourd’hui décliné dans des registres on-ne-peut plus variés, posant à tout le moins une question : quels repères donne-t-on à nos jeunes qui se cherchent dans la construction d’une identité sociale, affective et sexuelle ?

Capture d’écran 2014-07-23 à 11Au festival de Cannes, le jury a hésité à décerner le grand prix dans la catégorie « cyber » à ce court métrage qui, 24h et 45 millions de vues plus tard, s’avère être un joli coup de pub pour une marque de vêtements féminin. Mais rassurez-vous, il n’est pas resté sans distinction : il a reçu, à Cannes toujours, le Lion d’or dans la catégorie « film » du festival international de la publicité.

Comptabilisant rapidement plus de 85 millions de vues sur Youtube… le concept original a donc fait le buzz. Un vrai « bus-iness shot » aussi[2] ! Si vous ne l’avez pas encore compris, nous sommes dans le domaine de la pub virale. Le consommateur devient lui-même vecteur de promotion. Ici, comme toujours en pub, c’est la créativité qui l’emporte. Mais ce qui est déroutant, c’est la manière dont la propagation se développe sur les réseaux sociaux. Dans un premier temps, on parodie. Comme pour certains jeux vidéos[3], certains estiment que le concept aurait pu être décliné avec des variantes intéressantes. Ainsi, « First kiss in color»[4]. Ou aussi : « First sniff[5] », la version canine ! Puis, dans un second temps, l’appropriation fait son chemin. En effet, le concept initial s’avérait être une production cinématographique classique : une commande scénarisée, interprétée par des professionnels plus ou moins dirigés dans leur jeu d’acteurs, avec une intention marketing quelque peu déguisée (une marque de vêtements féminins). L’appropriation, c’est donc de mettre devant la caméra, des amateurs et de les laisser improviser, juste pour le fun[6].

Tant que l’on ne sait pas ce que l’on regarde (mise en scène de fiction, pub, détournement, parodie, … ) on est installé dans la posture du voyeur, avec tout ce que ce terme a de connoté. Et l’on est en droit de se demander : Jusqu’où y a-t-il jeu ? Consentement ? Soumission plus ou moins obligée, voire dérapage de mauvais goût, quand ce n’est pas amoralité manifeste. Si le spectateur ressent un malaise, pas question pour lui d’intervenir pour demander des comptes. Seule attitude possible, s’il s’interroge ou s’il désapprouve : quitter le site.

D’autres ont choisi plutôt de travailler le concept pour le mettre en action : que vivrions-nous si l’aventure nous était proposée en plein centre commercial[7] ? La mise en scène est encore théâtralisée : nécessité de se rendre sur le lieu de tournage tout proche (ce qui laisse encore le temps de se désister), abandon des effets personnels et petit coup de peigne peut-être avant de passer sous les feux de la rampe. Il y a encore mise à distance possible. Mais tant qu’à faire, s’il s’agit de plonger sur les lèvres du premier venu, pourquoi ne pas le faire à même le trottoir. Ce serait céder à la licence que d’oser le faire, direz-vous peut-être ? Mais quand y a-t-il licence ? Quand justement on identifie bien qu’il s’agit d’un tabou ! Comment interpréter alors le comportement de ces jeunes qui ont fait de ce concept une activité estivale de drague sur la plage en déclinant le bien connu jeu du « papier/pierre/ciseaux » en « Hug, slap, or kiss [8]», qui s’amusent en faisant « Raspberry[9] » ou « Motorboad[10] » … Mais encore qui, en rue, font accuser les passants innocents d’une fessée qu’ils n’ont pas donnée à une fille complice de la (mauvaise) blague[11]. Faut-il croire que le visionnement de ces séquences en ligne de type « First kiss » atténue le sens social et les limites de la décence ? On peut en effet se le demander.

Car en effet, elles ne manquent pas les déclinaisons du concept où, dans la rue cette fois, les garçons mais aussi les filles s’essayent à la drague la plus inconvenante : des vidéos aux titres on-ne-peut plus évocateurs : « Technique pour embrasser une fille en 1 minute[12] », « Il touche 1000 paires de seins[13] », « Tu m’embrasses si je porte un tee shirt rose ?[14] » et même « Comment embrasser un inconnu en 10 secondes ?[15] ».

On s’en rend de suite compte, la démarche apparaît vraiment déplacée tant les réactions des personnes importunées manifestent clairement leur désapprobation. Si pourtant le concept est abondamment décliné sur le net, c’est qu’il a été fictionnalisé. A côté de vidéos de potaches qui se prennent un râteau dans leurs tentatives grotesques, il y a surtout des vidéos montages réalisées avec le concours de copains. Juste pour le fun ? Des vidéos qui mériteraient de figurer sans plus dans la célèbre émission de télé « Vidéo gag» ? Si la chose s’arrêtait là, on pourrait peut-être s’en satisfaire.

Mais après la campagne « On s’embrasse sans se connaître, mais c’est pour le fun », il y a eu, plus déjanté : « Je t’embrasse pour la première fois, déculotté sur le pot[16] » (une pub pour une marque de toilettes). Puis on a eu droit à « On se fout une claque sans se connaître, mais c’est pour le fun[17] »… la déclinaison signée Max Landis (réalisateur américain de renom) qui n’est pas sans rappeler le « Happy slapping » que les ados ont popularisé sans trop se rendre compte de ce qu’ils faisaient, mais dont les victimes ont eu toute raison de porter plainte pour agression physique. Et la « déconnade » ne s’est pas arrêtée là. Il y a aussi eu « On se tripote sans se connaître, mais c’est toujours pour le fun ! [18] et [19]»

Sans être pudibond, ne doit-on malgré tout s’inquiéter de la tournure des événements et dénoncer une banalisation des concepts invitant à la reproduction servile ? Tout ceci n’est pas sans rappeler les défis lancés[20] de la Neknomination : « Boire à tort et à travers », « se mettre en situation de danger », etc. Osons le dire, certains comportements adultes sont clairement licencieux. Dès lors, les populariser sur des sites Internet dont l’accès est « enfants admis » crée une situation nouvelle de confrontation qui, à notre sens, n’est pas souhaitable. Banaliser certains gestes, notamment ceux qui traduisent la violence interpersonnelle ou qui, a contrario, sont sensés exprimer une intimité relationnelle qui ne s’accommode pas de spectateur tiers, c’est envoyer un mauvais signal à la jeune génération.

De toute évidence, les réseaux sociaux[21] sont le lieu privilégié de la création de l’identité sociale des jeunes, mais aussi une vitrine bien achalandée pour y parsemer, hélas, de la provocation imbécile du style : « Cap ou pas cap ? ». Si des adultes s’exposent dans des comportements que l’on peut juger limites et qu’ils offrent le spectacle de leur licence comme modèle d’originalité, pire comme expression artistique d’un genre nouveau (rappellons que Tatia Pilieva et Max Landis sont des réalisateurs ayant pignon sur rue), si l’on promeut la diffusion de ce genre de production en leur distribuant des prix en Festival et en créant le buzz autour de leur originalité… où s’arrêtera-t-on ?

Le problème, c’est bien l’appel d’air que la diffusion massive de ces productions génère. Exemple : on sait tout le tort que peuvent faire chez les ados des sites qui promeuvent les canons de l’anorexie. Dernièrement, on a pu le constater, le sujet est pourtant revenu jusque dans les massmédias européens quand, autour de quelques anecdotes essentiellement vécues aux Etats Unis, des quotidiens ont traité d’un phénomène encore inconnu chez nous : le « thight gap ». Est-ce faire de l’information ou plutôt créer l’événement avec le risque que, finalement, cette info très tendancieuse inonde les blogs des adolescentes en mal de reconnaissance sociale. Pire, induise de nouveaux patrons de comportements.

Comme pour la neknomination, le concept « First… » a tout pour provoquer… Il fait appel à l’originalité. (Que pourrait-on bien inventer comme nouveau défi ?) Il joue avec l’interdit. Il sous-entend que si on prend un risque, ce ne sera peut-être que « pour une fois » et que ce n’est donc pas si grave. Le projet passe par la réalisation collective du « débordement » (que ne ferait-on pas sous la pression du groupe ?), dans la foulée d’adultes célèbres dont la notoriété semble cautionner les comportements… Alors… premier baiser, première claque, première fessée, première fellation, premier touché colo-rectal… y aura-t-il une limite à ce qui ne serait que de la pantalonnade ? Tatia Pilieva, elle, continue sur sa lancée, puisque ça rapporte… Se jouant de la pudeur bien légitime entre des gens qui ne se connaissent pas, elle vient de réaliser « Undress me[22] ». Esthétiquement irréprochable, certes… mais enfin !

Tout peut faire le buzz. Il suffit qu’un massmédia décide d’en parler plus que de raison… et l’effet est garanti. Ainsi Sudpresse qui se complait une nouvelle fois dans l’insolite marginal en publiant ce qu’il annonce comme étant « une nouvelle tendance chez les jeunes : le bubbling[23] »… cherchant sans doute plus à créer l’événement plus qu’à le décrire.

Où s’arrêtera-t-on ? Le principe est tellement simple à mettre en œuvre qu’on ne voit pas pourquoi il s’arrêterait en si « bon » chemin : choisir un tabou, transgresser les interdits, entre personnes consentantes ou mieux en agressant dans leur intimité des partenaires choisis au hasard dans la rue…, provoquer par l’ostentation sur le net, banaliser en esthétisant l’expression médiatique…

Tout ceci n’est pas sans rappeler les expériences de Stanley Milgram sur la soumission à l’autorité –ici bien sûr, ce sera l’autorité du web adulte-. Ca commence tout gentillement, puis ça dérape… « à mort[24] ». La leçon qu’il y avait à tirer de ces mises en scène expérimentales, au scénario progressivement de plus en plus douteux donc, était qu’il n’était tout simplement pas moral de s’y soumettre… dès les premiers instants.

Fallait-il que 20 inconnus s’embrassent à pleine bouche devant la caméra ? Les comédiens le font bien dans les films, dira-t-on ! Sauf qu’ici, c’est le sens même du baiser que l’on travestit, dans une mise en scène à répétition qui fait tout pour nourrir la confusion. Et que l’on ouvre la porte à des déclinaisons de très mauvais goût.

Alors… Je t’aime. Moi non plus… Juste for fun… à  10, à 20, à 30, sous l’œil de la caméra ? Rideau, svp !



[1] Visionner le concept original sur culture pub : http://www.culturepub.fr/videos/wren-first-kiss/

[2] Traduction : un coup commercial

[3] Lire l’analyse de Martin Culot sur les « mods » (entendez : modifications faites aux jeux vidéos par les joueurs eux-mêmes)

[4] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=zpYJzggF6yY

[5] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=026IsHhSupE

[6] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=eLKmr_aI5rg

[7] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=Ueiwft11pqw

[8] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=azX1nhB1eeU Tirage au sort entre trois possibilités: « On se fait un câlin, je te mets une baffe ou on s’embrasse sur la bouche ».

[9] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=VmZFKF-qdN0

[10] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=ZbInrJcmSGc

[11] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=R_QAyicpMIs

[12] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=bgw0N1xl_gg

[13] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=HZn-sveNTCk

[14] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=LKGax4vcvwQ

[15] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=rpxT2pMYj9k

[16] Visionner : https://www.youtube.com/watch?v=Rk2L8xU5jNs

[18] Première masturbation, première fellation (filmée hors cadre, tout de même… mais qui fera le pas suivant ?)

[19] Quand le concept est pris au second degré, Culture pub appelle cela « touche-pipi » : https://www.youtube.com/watch?v=o1EKxBfA-9I

[20] Lire l’analyse d’Yves Collard sur les neknominations

[21] Youtube est un réseau social de partage de vidéos. Nous y avons pris la plupart de nos citations.

[24] Pour rappel, certains scénarii imaginés par Milgram simulaient l’envoi de décharges électriques mortelles à des partenaires d’expérience en laboratoire,  qui n’avaient commis d’autres crimes que de se tromper dans la mémorisation de doublons « substantifs-adjectifs » : cheval noir, nuage blanc, etc. 80 % des sondés se pliant à l’injonction, selon les cas.

23 juillet 2014

Analyses de l'été : Facebook lit vos sms, la belle affaire !

Profitant de l’heure de grande écoute des JT de la Première, la RTBf a présenté, ce dimanche 4 juillet 2014, ce qu’elle considère comme un problème de confidentialité inquiétant. L’intervention du consultant en sécurité informatique, Olivier Bogaert, par ailleurs commissaire de police à la Computer Crime Unit de Bruxelles, a révélé au public que les utilisateurs de l’application mobile Facebook sous Androïd autorisaient, sans doute sans le savoir et très certainement sans le vouloir, la firme américaine à lire leurs sms. La pire des violations de vie privée s’il en est !

Capture d’écran 2014-07-23 à 12L’affaire semblait toute nouvelle et liée à des modifications récentes apportées dans les CGU (Conditions Générales d’Utilisation) de l’application Facebook sous Android. Raison pour laquelle sans doute, l’info est passée à tous les JT d’un dimanche très familial… de sorte à susciter le débat intergénérationnel. « Facebook, le déjà très incriminé réseau social, se permet une nouvelle intrusion dans votre vie privée : il peut désormais lire tous vos messages privés ».

Le sujet est grave et justifie que l’info circule non seulement en télé[1], mais aussi sur le site web de la chaîne de service public[2]. « Un mot doux, un petit sms confidentiel ou un message purement pratique concernant les courses à faire ou le prochain barbecue »… VOUS avez désormais donné l’autorisation à Mark Zuckerberg de lire tous vos SMS. Ce qui veut dire qu’il lit « non seulement tous vos messages, tout leur contenu, mais qu’il sait aussi de qui vous l’avez reçu ou à qui vous l’avez envoyé. C’est écrit dans les conditions d’usage de l’application : Facebook se donne le droit de lire les messages contenus dans la mémoire de votre téléphone ou sur sa carte SIM. Du moins, si vous êtes utilisateurs du système Androïd. Plus fort que les espions des séries télé, les ingénieurs de Facebook se donnent donc le droit de se plonger un peu plus dans notre vie privée ». Et le consultant en informatique de déplorer que nous ne développions pas les bons réflexes en continuant de fonctionner sur Internet comme dans la vie réelle. On communique en tête à tête via le net et on croit que cela se passe comme si on était en face à face. « Or les infos stockées sur ces nouveaux outils peuvent être croisées et repartir » (NDLR : entendez… sortir du champ de la confidentialité).

La gravité des choses justifie sans doute que Sud Presse reprenne l’info[3] en titrant « La police prévient : attention, Facebook peut lire vos SMS ». Changement de statut : ce n’est plus désormais une info développée par un consultant de la RTBf, mais bien un avertissement de la police fédérale elle-même[4] !

A la RTFb, la journaliste poursuivra en disant que cela pose question pour de nombreuses professions : « ministres, médecins, avocats, policiers et autres… . Et voilà, signalera-t-elle,  que le mot « confidentiel » devient un véritable défi ».

Pour étayer le propos, la journaliste interrogera ensuite un représentant de la CPVP, la commission pour la protection de la vie privée. « Aujourd’hui, le moindre mouvement, le moindre clic que vous faites sur votre ordinateur est mémorisé quelque part et peut être, à un moment donné, agrégé avec d’autres informations qui vous concernent. Finalement, la machine sait plus de choses sur vous que votre mari, vos enfants, votre docteur et vos proches… car elle retient tout ». Et la chute revient sur Facebook qui, avec cette capacité de TOUT archiver, retient donc désormais aussi vos sms. Conclusion : « Aujourd’hui, plus que jamais, Facebook et confidentialité ne font pas bon ménage ».

Où est donc l’info, dans cette séquence ? Qu’est-ce qui est nouveau ? Qu’est-ce qui fait « news » ? En quoi, comme le dit la maxime, le citoyen averti en vaut-il deux ?

Est-ce le caractère pérenne de l’info mise en ligne qui fait nouveauté ? Non ! Ca, on le sait… (ce qui n’empêche qu’il est toujours bon de répéter les choses). Est-ce la capacité d’agréger des infos diffusées initialement dans des registres différents (par la revente de listings de profils utilisateur de firme à firme) ? Pas plus ! C’est aussi une chose connue. La nouveauté, sans doute, c’est l’intrusion dans ce que l’on croyait peut-être être le dernier rempart de la confidentialité : le mail interpersonnel. En effet, publier en ligne, aujourd’hui, c’est prendre publiquement part au débat mondial, c’est y tenir une place qui construit notre identité numérique …  et c’est aussi, si on n’y prend pas garde parfois, courir le risque de développer une e-réputation pas nécessairement flatteuse. D’où toutes ces revendications pour le droit à l’oubli… face à des expositions de soi qui, avec le temps, se révèlent très gênantes si l’on a été trop insouciant ! Expositions dont on est soi-même l’auteur ou que d’autres ont mis en ligne « à l’insu de notre plein gré ». Mais le mail… ah ça non ! C’est « Top secret ».

Ainsi donc… la force de l’info, son caractère « news » il est là : nos mails personnels sont lus par Marck Zuckerberg, himself. Et ne l’accusez pas à tort : c’est VOUS qui avez benoîtement autorisé la chose en validant le contrat qui vous lie désormais à ces satanées CGU dont on oublie de faire la lecture critique avant de marquer son accord (NDLR : c’est nous qui soulignons).

Y a-t-il problème dans cette manière de présenter les choses ? Certes, on peut incriminer l’utilisateur, de sorte à le responsabiliser dans ses usages ultérieurs : demain, l’internaute averti reverra ses comportements trop impulsifs. Mais il y a sans doute aussi à mesurer l’impact du message, tel qu’il est formulé. Que dit-on ici à l’usager débutant sur les réseaux et la téléphonie mobile : « Marck Zuckerberk lit les mots doux et les listes de courses enregistrés sur  ton téléphone ». Mais, est-ce vrai ? Car si cela se vérifie, il y aurait sans doute là de quoi flipper ! Heureusement non, ce n’est pas ça ! A l’évidence, si l’on est un peu averti de la chose, on apprend que matériellement et contractuellement, les outils de scannage de mes messages sont susceptibles de restituer les infos contenues dans mon portable. Mais personne, et certainement pas le patron de Facebook en personne ne lit consciencieusement nos SMS. Il n’y a pas d’indiscrétion personnalisée . Entendez bien la nuance ! En fait de pistage, c’est en cas d’enquête légitime réclamée par les services de justice ad hoc que la firme américaine s’intéresse en fait aux profils et aux mots clés susceptibles de correspondre à des pratiques terroristes. Cela veut dire que, pour le reste, vos infos personnelles sont intégrées de façon non nominative à des listes d’utilisateurs type, dont les adresses sont susceptibles d’être revendues ou utilisées pour être associées à de la publicité ciblée.

Si cela peut malgré tout éveiller de la suspicion, c’est surtout parce qu’on ne cesse de présenter le caractère négatif de cette réalité (la pub ciblée) qui a aussi pourtant son bon côté. Si l’identification de mes thèmes de recherche et les mots clés de mes propos -jusque y compris dans mes mails- font de moi le destinataire d’une publicité ciblée… je peux aussi trouver cela très intéressant ! Pour le comprendre, le parallèle peut être fait avec la publicité papier qui nous arrive quotidiennement dans nos boîtes aux lettres. Si je refuse toute publicité, je ne suis informé d’aucune promotion. Par contre, si j’accepte une publicité ciblée sur base d’une identification non nominative de mes goûts et envies, je suis susceptible de recevoir des informations promotionnelles particulièrement alléchantes. Libre à moi, ensuite, de ne pas y souscrire à ces infos qui sont pourtant susceptibles de m’intéresser au plus haut point du fait qu’elles concernent mes domaines de prédilection.

En fait, la technique de ciblage, (ici le scannage de mes mails, comme ailleurs l’usage de coockies lors de ma navigation sur le net) est intrusive si j’en ignore l’existence et ne mesure pas son implication sur l’info qui m’est adressée. Mais si j’en reste l’utilisateur conscientisé –et responsable- celle-ci peut révéler aussi des bons usages que je ne souhaite alors pas nécessairement désactiver.

Car si l’on entend les conseils du commissaire, il n’y aurait finalement qu’une solution : désinstaller l’application Mobile Facebook. Un message qui ne passera sans doute pas dans les familles… Une injonction semblable à celle qui inviterait à renoncer à l’usage de l’électricité dont on vous informerait quelle peut-être mortelle en cas d’électrocution, sans vous dire aussi ce qu’elle permet comme usages domestiques intéressants.

Et puis, ce qui est assez curieux dans cette info assez déstabilisante, c’est aussi que l’on présente les choses en incriminant le déjà très célèbre réseau social, alors que d’autres services en ligne pratiquent de la même façon sans qu’ils soient ici cités pour que l’on comprenne bien que ce qui est dénoncé ici est devenu en fait la règle du jeu de l’usage des outils du net.

Prenons le cas du moteur de recherche Google. Lui aussi est le fer de lance d’une batterie d’outils en ligne développés en interconnexion les uns avec les autres. Google, c’est le bien nommé moteur de recherche le plus utilisé au monde[5]. Mais c’est aussi une messagerie en ligne, Gmail. C’est encore un réseau social, Google+ (un équivalent de Facebook donc), c’est également un service de partage de documents en ligne, c’est un développeur d’outils de géolocalisation (les bien connus Google Streetview et Google Maps)… De sorte que vos usages de tous ces outils, une fois que vous êtes référencés et que vous activez vos sessions d’utilisateur identifié, sont agrégés en un profil consommateur centralisé, hautement monnayable du fait de sa valeur ajoutée. Ce n’est pas nouveau et c’est même ce qui fait la force du groupe : la centralisation des infos. A l’utilisateur averti de se comporter doublement de façon responsable pour en tirer profit sans y perdre son intégrité numérique.

S’il y avait à attirer l’attention sur les largesses d’intrusion que nous concédons quand nous installons une application sur notre tablette ou notre smartphone, il serait plus indiqué encore de le faire en dénonçant TOUTES les applications et surtout celles proposées par des développeurs dont on ignore souvent tout du profil commercial… et idéologique. La plupart des applications développées pour la téléphonie aujourd’hui réclament le droit non seulement de modifier des fichiers sur votre carte téléphonique (on pense bien sûr qu’ils se contenteront de modifier ceux qui sont en lien avec l’application, en faisant des mises à jour donc)… mais même d’en effacer le contenu, purement et simplement ! Et nous validons cette demande la plupart du temps, sans trop nous soucier des conséquences.

Mais plutôt que de dire que l’utilisateur est irresponsable et ferait mieux de ne pas souscrire, il y a lieu de réclamer la mise en place d’une législation d’application internationale qui interdise cette pratique intrusive. C’est le monde politique qui doit garantir la mise sur le marché d’outils respectueux des droits des individus et des états.

Mais sans doute est-ce plus tapageur, et donc médiatiquement plus rentable, de choisir un consultant qui porte les insignes de la police fédérale, et qui agite la menace que nous soyons « espionnés » du fait de notre ignorance et de notre irresponsabilité !

L’effet attendu n’est sans doute pas au rendez-vous : les jeunes riront au nez de ces adultes qui leurs disent en conclusion de quitter Facebook. Et les adultes, convaincus qu’ils ont donc raison de ne pas y être, se croiront en sécurité dans leurs autres usages du net, alors que c’est partout que cette exposition est aujourd’hui consentie par l’internaute… et qu’il serait plus intéressant de conscientiser au fait et d’apprendre à gérer cette réalité devenue incontournable.



[4] L’info est reprise d’un support de communication interne de la Police fédérale, un document qui n’a rien d’une prise de position officielle. Confusion ?

[5] A tout le moins sur notre continent

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23 juillet 2014

Analyses de l'été : Vignettes Panini : un arrêt sur images

L’Education aux médias (EAM) a pour but d’éveiller le consommateur médiatique afin d’en faire un lecteur critique et un communicateur efficace, responsable et citoyen. Pour ce faire, l’EAM investigue les médias classiques (presse, radio, télé, cinéma) et les nouvelles technologies (internet et plus globalement, le numérique).

Reste que les outils et démarches d’analyse empruntés peuvent aussi s’appliquer à d’autres supports de médiatisation de contenu. On pourrait faire de l’EAM sur une collection d’images pieuses comme il s’en distribuait à l’occasion de communions solennelles. On pourrait s’y prendre de la même façon avec des faire-part mortuaires. Récemment, il est réapparu une autre série de vignettes qui se prêteraient facilement à une lecture interprétative : les cartes des albums Panini.

 

paniniL’Education aux Médias est une démarche qui se greffe assez souvent sur une séquence de travail où les médias sont utilisés comme supports d’enseignement ou de transmission. Ce que l’on appelle l’Education « par » les médias. Dès lors, le choix de ces supports didactiques est-il rarement anodin. Les documents sont choisis prioritairement pour illustrer un contenu de cours, un parcours d’apprentissage. Leur contenu est primordial, à ce titre. On pourrait dès lors croire que l’évocation des collections Panini est maladroite pour parler d’EAM.

Pourtant, ce que l’on peut constater, c’est que les supports Panini constituent un vecteur de transmission qui se prête à l’analyse classique en six dimensions. Cette grille d’analyse en six points, bien connue des formateurs en EAM, peut être appliquée à la collection des vignettes des équipes de foot par exemple.

En effet, dans les mains des ados ou collées dans les albums, elles figurent chacune une personne et collectivement un pays, une nation. Les jeunes « fous de foot » les connaissent par cœur, identifiant chacune d’un rapide coup d’œil.  Celles qu’ils possèdent, mais aussi, celles qu’ils rêvent d’obtenir par troc à la récré (leurs manquantes)… et plus particulièrement les « brillantes ».

Le phénomène s’analyse sur plusieurs générations. Pour savoir ce qui se passe dans la tête de nos gamins (et peut-être, mais en moins grand nombre, de nos filles), il faut aller interroger les parents... ou rentrer dans nos propres souvenirs de gosses. « Florent, 30 ans, est un habitué. « J’ai eu mon premier album à l’âge de 6-7 ans puis je me suis abstenu pendant quinze ans avant de redémarrer pour la Coupe du monde 2006, avoue-t-il. Avec le temps, le plaisir est toujours là. À chaque fois que j’ouvre une pochette, le bruit me rappelle plein de souvenirs ». Père d’un petit garçon de 2 ans, Florent entend bien transmettre cette passion à son fils : « je pourrais faire des échanges avec lui », confie-t-il au journal La Croix qui l’interview . Si vous-mêmes avez la mémoire courte… internet sera votre ami. Tapez dans un moteur de recherche le nom de votre joueur favori ou de votre équipe fétiche. Allez dans la rubrique « images »… et tout remontera à la surface de votre conscience. Selon votre âge, vous prendrez peut-être la Belgique en Espagne, en 1982. A l’époque, Guy Thys est entraineur. Eric Gérets le capitaine. Préférez-vous les Diables rouges au Mexique en 1986, avec « Zean-marie » dans les lattes, et les autres Scifo, Gruns, Gerets, Ceulemans, Vandereycken, Vanderelst, etc. ? Vingt-deux joueurs sélectionnés, certes, mais onze figurant en vareuse rouge sur le poster de l’équipe nationale. A moins que votre regard ne soit plutôt attiré par la présentation du onze de base, chacun revêtu du maillot de son club engagé dans le championnat national. Et puis, bien sûr, il y aura dans les images affichées à l’écran, la jeune équipe d’aujourd’hui : les Kompany, Lukaku, De Bruyne, Hazard, Mertens, Witzel…

Appliquons donc les six dimensions de la grille d’analyse à ces petits autocollants, cette  collection de cartes dédiées à la Coupe du monde de football (Typologie). On pourra tout d’abord entrer dans la logique économique qui prévaut à ce genre de publication. Car il n’y a pas de production médiatique qui n’ait un modèle économique assez influent sur le concept. Les pôles « producteurs » et « publics » sont assez évidents à décrire. Le producteur de ces albums est une entreprise privée qui a bien compris tout le profit qu’elle pouvait tirer de l’engouement pour le sport (mais pas uniquement car il existe des cartes Panini dans d’autres secteurs comme le cinéma par exemple) et de l’esprit de collection des passionnés d’une activité, qui plus est ici, à haute faveur symbolique. En effet, il apparaît que le sentiment de patriotisme s’exacerbe dans ce genre de compétition. Les citoyens ont beau être assez réservés quant à leur appartenance nationale… que surgissent des figures emblématiques (une équipe nationale –les Diables rouges, mais aussi plus récemment les Black Panthers ou les Red Lions en hockey-, une vedette nationale –nos joueurs-euses de tennis par exemple-, un concours mettant en scène des représentants nationaux –ainsi l’Eurovision) et l’effervescence se manifeste assez spontanément. Panini, c’est donc du business. Un rapide survol d’internet permet de récolter des infos significatives des enjeux financiers entourant cette publication. Panini espère bien vendre entre 300.000 et 500.000 exemplaires de son album qui comprend 640 vignettes et sera disponible dans 100 (ou 110) pays, selon les sources. Prix de vente : 2 euros. A cela s’ajoute la vente des vignettes (0,60 euros pièce, par pochette de 5). Un rapide calcul donne à penser qu’il faudrait débourser 78,80 euros pour acquérir les vignettes. Mais une estimation mathématique situe plutôt autour de 150 euros la somme qui sera engagée dans l’achat de pochettes (assemblage fortuit de cinq figures) de sorte à alimenter ensuite les échanges entre collectionneurs. Certes, vous pouvez acheter des boîtes plutôt que des pochettes. Il s’en vend par 500 vignettes pour 60 euros. Tarif identique donc ! En cherchant bien, vous trouverez des boîtes faisant l’objet de promotion (-30%) : 250 vignettes pour 21 euros, mais il faudra ajouter les frais de port. En effet, ceux-ci ne sont gratuits qu’à partir d’une commande de 500 euros. Qu’à cela ne tienne !

Quoiqu’on en dise, le troc reste malgré tout la façon la plus économique de les acquérir. Toutefois, la part de hasard est telle qu’il ne vous sera pas possible de rassembler la totalité de l’éventail. Rassurez-vous, la « technologie » (une autre de nos six dimensions) viendra à la rescousse. Panini a donc prévu le coup… il est possible de commander les manquants. Un achat ciblé à 0,18 euros la vignette et qui ne peut dépasser les 50 pièces par collectionneur… histoire de clôturer donc un exercice essentiellement basé sur l’échange. Et pour vous aider à troquer à l’aise, la firme met sur pied des aires d’échanges en ligne par pays, sur paninionline. Il a même été développé une application pour les tablettes et smartphones nommée « Panini Collectors » qui permet de scanner ses autocollants en simple ou en double. Objectif : réunir la communauté des collectionneurs et faciliter les échanges entre eux. On l’aura compris, il y a là un sacré commerce dans lequel les enfants se lancent à coup de 2 euros par ci (l’album), 3 euros par là (les pochettes)…

« Producteurs » et « Technologies » ont déjà été évoqués dans notre analyse. Alors continuons le parcours. Les « Représentations » et le « Public » : pourquoi cet engouement pour des vignettes, alors que les photos de chaque équipe et de leurs vedettes respectives circulent abondamment dans les médias, y compris sous forme de posters encartés dans les principaux quotidiens ? C’est parce que la fibre collectionneuse correspond à un large public, et que les vignettes immortalisent chaque joueur d’une façon à nulle autre pareille. C’est à tel point vrai que si j’évoque aujourd’hui des noms comme Ruud Gullit ou Fabien Barthès, on s’en souvient comme si c’était hier. Ces « Tif  et Tondu » du ballon rond sont restés célèbres pour leur choix capillaire que l’album Panini fixa définitivement dans les mémoires. Et si l’on parle à certains collectionneurs de telle ou telle vedette, c’est un cliché bien précis, un arrêt sur image, qui s’impose une fois pour toutes à leur mémoire. Et cela vaut tout autant pour un Cruyf, un Van Moer ou un Van Himst, qu’un Pelé, un Zidane ou un Platini. C’est ça aussi la force d’une collection : la capacité de fixer dans la mémoire un vaste ensemble d’images devenues emblématiques. Car si la photo prise est bien, sur le moment, une représentation du joueur, elle devient, avec le temps et sa mise en évidence dans l’album… une sorte d’allégorie. Un phénomène de fixation et d’idéalisation qui s’est produit pour d’autres représentations ayant pris une valeur hautement symbolique. Ainsi, par exemple, le Christ Pantocrator des chœurs de cathédrales. Il est présenté à tous les coups avec une mèche sur le front. La nazaréen était-il un « crollé »… Il semble bien qu’une trace de sang coagulé figurant sur le linceul de Turin présida à la caractérisation, à tort ou à raison, de l’image du Christ Jésus. Toutes ces images ont donc pour effet d’arrêter le temps et d’endosser la valeur d’une icône… image de la réalité stabilisée pour l’éternité. En cela, elle illustre parfaitement la notion centrale de l’EAM : les représentations du réel.

Côté « Langage » maintenant –cinquième thématique de la grille-, les trombines s’associent aux logos de clubs, aux vareuses, aux insignes nationaux, aux images des stades de foot… Jusqu’aux mascottes et aux ballons (le Brazuca pour cette édition 2014) qui se trouvent immortalisés ! En vignettes normales et en « brillantes ». Tout y est.

Et pourtant,  il y a un problème avec les infrastructures… « La sortie de l'album Panini 2014 s'est heurtée à quelques obstacles notamment au niveau des stades brésiliens qui n'ont pas encore été achevés lors de l'édition du book ». Le président de Panini Brésil a expliqué à Euronews « Au moment de la fabrication de l'album, vu que certains stades n'étaient pas prêts, nous avons dû acheter des photos aux entreprises qui fournissent la FIFA ». La FIFA qui a approuvé la décision de substituer les illustrations habituelles aux photos ». Finalement, pour atteindre les 649 vignettes sélectionnées avec soin, Panini n’a pas rechigné sur le positionnement de produits ! Ce qui fait dire à un brésilien de 28 ans s’exprimant sur le site internet : Ils auraient pu ajouter des autocollants de quelque chose plus dans le ton de la Coupe du monde, comme les entraîneurs, à la place de la publicité qui leur est bénéfique». Mais Panini a justifié ce choix en expliquant par mail à des collectionneurs que cette collaboration avait permis de distribuer gratuitement plus de 6 millions d’albums sur la planète.  La collection passe donc ainsi de 639 stickers à 649.

Tout y est, oui ! Et pourtant, il y a aussi des absents ! C’est en effet que Panini, pour des délais d’impression, a du faire sa sélection avant les sélections officielles ! Pour la Belgique, par exemple, Januzaj, Origi et Vanden Borre absents seront de vrais manquants ! Par contre, Benteke a sa vignette alors que, blessé, il ne fera finalement pas le déplacement au Brésil. A moins que l’économique ne l’emporte et que l’on imprime in extremis les portraits des derniers sélectionnés (en fait, c’est bien le choix qui a été retenu).

C’est aussi ça, l’album Panini : un discours sur le discours… qui montre bien que la représentation médiatique n’est pas la réalité mais sa probable impression sur papier gommé. Un phénomène d’immortalisation qui transcende le temps mais fige les représentations alors que le réel, lui, continue d’évoluer.

Ce phénomène n’est pas nouveau. IL est par exemple à l’œuvre dans la philatélie : le temps s’arrête, figurant de façon stéréotypée et, pourrait-on dire, pour l’éternité : des paysages, des monuments, des espèces d’oiseaux, de papillons, de mammifères… Avant cela, la numismatique a produit le même arrêt sur image en immortalisant les empereurs, les rois, les princes. La statuaire n’a pas joué autrement en représentant les saints et les saintes de façon caricaturale, dotés de leurs attributs liés à la légende les installant dans l’imaginaire collectif. Sans nul doute, cette manière de faire emprunte-t-elle à la démarche de béatification… rendant chacun des épinglés « bienheureux », reconnu tel pour l’éternité et présenté dès lors à la piété populaire dans une iconographie avantageuse et symbolique.

Les vignettes Panini seront donc un support intéressant pour illustrer le mécanisme des six dimensions de l’EAM. Non seulement, elles montrent bien le phénomène d’arrêt sur image et de fixation stéréotypée de la réalité, mais elles le feront sur un contenu médiatique qui emportera l’adhésion des élèves, ravis de constater que l’on peut partir de leurs centres d’intérêt pour évoquer ces notions d’apprentissage. Comprenant aisément ce mécanisme de représentations, ils n’auront sans doute ensuite guère de difficultés à l’identifier pour d’autres arrêts sur images.

Au détour de cette analyse médiatique, ils auront sans doute aussi perçu tout l’enjeu économique qui se cache derrière pareille émission de collections… faisant d’eux des cibles de choix. De quoi être toujours plus citoyen autonome, responsable et critique.

 

7 mai 2014

Réflexion prospective sur l’usage des NTIC à des fins didactiques

"L’appellation Ntic et Tice sont, de fait, dépassées… et l’usage plus approprié est sans doute à chercher du côté du « numérique »… si tant est qu’il faut trouver une désignation à ce (nouveau) contexte technique qui fait suite au passage de l’oral à l’écrit et du manuscrit à l’imprimé". (Cf Ol. Meinguet, Quelles évolutions dans nos écoles, Entrées Libres n°77, Mars 2013, page 5).

Dans la vie de tous les jours et aussi dans le monde des entreprises (qu’il s’agisse du marchand ou du non-marchand), on utilise des outils appropriés pour communiquer, apprendre, produire et aussi réaliser des tâches complexes où la collaboration et le travail d’équipe atteignent des résultats que l’on ne pourrait atteindre seul. Ces outils parfois coûteux se nomment téléphonie, informatique, internet. Ce sont des outils professionnels à haute valeur ajoutée que les pays émergents nous envient à juste titre. Depuis quelques années, déjà, la portabilité et la démocratisation de ces technologies ont même permis d’en doter la large population de nos adolescents. Jusqu’à quand l’école continuera-t-elle d’estimer qu’au sein de ses murs, l’usage de ces interfaces intelligentes est à proscrire, elle qui a pour mission de former les citoyens de demain ? Et si elle s’engage dans la voie de l’intégration, quels moyens se donnera-t-elle pour exceller dans cette ambition ? Le premier de ceux-ci étant sans doute d’abord de changer son point de vue sur l’acte d’apprendre (paradigme) à l’heure du numérique.

Pour l’enseignant, l’intégration de cette médiation numérique de savoir comporte 4, voire 5 volets

-       S’initier à la technique (apprendre les bases de la bureautique, s’approprier des logiciels dédiés aux tâches que l’on veut entreprendre).

-       Intégrer cette technique dans la préparation de ses cours, ce qui revient à découvrir le potentiel de l’outil. Les enseignants formés aux ressources livresques, en ce sens, sont des « Mutants » et doivent entamer une conversion.

-       Envisager des intégrations numériques dans l’acte d’enseigner : le numérique devient alors un support médiatique… mais ce n’est pas pour autant que la pédagogie change… un powerpoint, un TBi peuvent n’être qu’un subterfuge technique.

-       Saisir l’opportunité du détour de l’Education par les médias pour faire de l’Education aux Médias, c’est-à-dire observer, comprendre, critiquer et tirer profit de « ce qui se passe pendant que cela se passe » au niveau médiatique.

-       Changer sa pédagogie en reconnaissant que les élèves ne sont pas des mutants mais des natifs numériques. Il n’y a pas 36 solutions : la pédagogie doit être participative, active et, inévitablement aujourd’hui, collaborative.

"Le système éducatif que l’on connaît aujourd’hui a été conçu au XIXè siècle pour répondre à la révolution industrielle et former des cadres supérieurs qui allaient diriger des ouvriers. C’est donc une institution très élitiste, où le plus important est d’être bien classé et d’avoir de bonnes notes. Or, ce système n’est plus en phase avec le monde d’aujourd’hui. Au Danemark, le corps éducatif s’est rendu compte que les seuls jours où les élèves n’avaient pas accès à Internet étaient les jours d’examen. Mais, prépare-t-on les élèves à passer un examen, ou à vivre dans un monde où Internet est présent tout le temps ? Du coup, les Danois ont maintenant accès à leurs livres et à Internet pendant leurs contrôles, et ce qu’on teste n’est plus leur capacité à mémoriser des informations et les reproduire, mais à les chercher et à confronter les sources. (1)"

Une des implications majeures de la dimension numérique dans l’enseignement est le décloisonnement spacio-temporel de la classe.

-       Sans doute faudra-t-il imaginer une généralisation plus grande à l’avenir, d’un plan individuel d’apprentissage (PIA) lié au Projet Personnel de l’Elève (PPE) (Cf http://www.google.be/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&ved=0CDQQFjAA&url=http%3A%2F%2Fadmin.segec.be%2Fdocuments%2F5673.pdf&ei=3l5uUcGIGejX0QXA_oDgBA&usg=AFQjCNEs420Jxbr2vUiDX7XeV5z62ORdkg&bvm=bv.45368065,d.d2k )

-        De plus en plus, l’apprenant concentrera en un porte-folio (un site, un blog, un ENT) toutes les pièces attestant du parcours réalisé, et nécessaires à son évaluation et à sa certification.

-        La dimension « production » sera centrale… s’inscrivant en cela dans la droite ligne des pédagogies actives telles que développées par John Dewey, Célestin Freinet ou Adolphe Ferrière.

-        La classe inversée (Flipped classroom) est un concept qui refait surface pour redonner au temps scolaire sa mission première : tirer profit de l’accompagnement du maître pour travailler ce qui, par ailleurs, a été transmis préalablement et approché d’initiative par l’apprenant. (Cf. « Tout est transmis » de Michel Serres, situant alors l’essentiel ici : ce qu’il faut, c’est se l’approprier pour le transformer en compétences.)

Approcher l’univers technologique comme une nouveauté –dès lors inquiétante- comprenant toute une série de dangers dont il faudrait faire l’identification et la prévention est contre productif car

-       pour les jeunes « natifs numériques » qui sont « de ce monde » ce discours est anachronique (etfactuellement, ils ont raison)

-       il révèle un fossé intergénérationnel dont ils ne sont responsables, ni de l’apparition ni de la résorption

-       il n’offre d’autres solutions aux jeunes, que de cacher ce qu’ils font de cette technologie à cette génération qu’ils jugent dès lors complètement dépassée. (Cf Danah Boyd : « la tentation de l’hyper-contrôle constitue une anti-éducation qui renforce le clivage entre les générations, conduit les adolescents à refuser tout contact avec les adultes, et leur apprend à mentir » (2)).

Concevoir « une séquence de leçon » s’apparente sans doute plus aujourd’hui à la mise en place d’un environnement –notamment numérique- de travail avec des tâches à réaliser sur base de l’exploitation de ressources bien choisies. Cette exploitation est à envisager dans et hors du temps et de l’espace de travail de la classe, individuellement et collaborativement, le professeur n‘étant pas le seul animateur de la démarche. En effet, une dynamique tutorale partagée doit certainement trouver à se développer, de sorte que les interactions soient multiples et accessibles au moment où le bénéficiaire en a besoin. Et inévitablement, le temps de travail online de l’enseignant devra-t-il être reconnu et valorisé pour l’appréciation de sa charge horaire de prestation, car il prendra à l’avenir une part de plus en plus importante.

Il apparaît aussi que les outils n’étant que des instruments, la formation de l’utilisateur devra se faire sur les stratégies numériques, de sorte à pouvoir à tout moment les transférer sur de nouvelles machines et les exercer à travers de nouvelles interfaces aux nouvelles fonctionnalités. Si des choix doivent être faits, on privilégiera les infrastructures et usages qui sont déjà au cœur des pratiques des jeunes, de sorte à bénéficier de leur appropriation acquise. Ce choix permettra de mettre l’essentiel de l’effort sur la réflexion critique (EAM) dans l’usage, qu’il soit pédagogique ou para scolaire.

En ce sens, le pédagogue devra s’intéresser aux pratiques ambiantes pour saisir toute nouvelle opportunité. On nomme ce travail « veille technologique ». Celle-ci aussi fera désormais partie de la charge horaire de l’enseignant et devrait être comptabilisée à juste titre. Cette reconnaissance pourrait être d’autant plus valorisée que ce travail online s’exprimerait aussi en partage de ressources produites et/ou identifiées-republiées à destination de réseaux collaboratifs en ligne. Il y a en effet à soutenir et promouvoir toute initiative de collaboration entre experts pédagogiques qui, encore trop souvent, gardent jalousement pour eux un travail qu’ils font dans le cadre d’un service public devant profiter totalement à ceux pour qui il est financé.

(1) Voir : http://levinvinteur.com/leducation-a-lere-du-numerique

(2) Voir notamment : http://www.homo-numericus.net/spip.php?breve994

31 janvier 2014

Média Animation ASBL recrute pour son siège de Namur

Animateur(trice) Web et Multimédia

Dans le cadre de sa mission principale l’animateur web-multimédias est amené à :

  • concevoir, coordonner et animer des ateliers web / multimédia
  • apporter son soutien à d’autres projets d’éducation permanente et d’éducation aux médias.

Description des tâches :

• Organiser et assurer les prestations d’animation/formation à une approche critique des outils web / multimédias, et ce dans une optique de participation citoyenne ;

• Accompagner les groupes dans la définition de leur projet, dans les phases de mise en route et de finalisation (objectifs, attentes, planning, contenus, moyens humains, matériels et financiers, montage…) ;

• Assurer les suivis organisationnels, administratifs, évaluatifs ; collaborer à la préparation des rapports d’activités y afférents ;

• Apporter un soutien à d’autres projets du secteur Éducation permanente (préparation, organisation, animation) ;

• Assurer la maintenance du matériel mis à disposition dans les trois Espaces Publics Numériques de l’association.

Profil :

• Connaissance du secteur de l’Éducation permanente (méthodologie, principes, …) ;

• Connaissance du monde des médias numériques, ainsi que de leurs usages (réseaux sociaux, …) ;

• Bonne connaissance et utilisation des outils informatiques (web / multimédia) ;

• Capacité de mener des projets et de conduire des animations ; • Savoir communiquer en public ;

• Capacité de transmettre des connaissances avec pédagogie ; • Travailler de manière proactive, avec précision, méthode et rigueur ;

• Savoir gérer un agenda, un planning, respecter des échéances ;

• Pouvoir faire face à une variété de projets et faire preuve d’adaptation en fonction des publics ;

• Être mobile sur le territoire de la Fédération Wallonie Bruxelles (permis de conduire).

Conditions

• Passeport APE

• Contrat temps plein à durée indéterminée

• Lieu de travail : Namur

• Niveau : Master ou baccalauréat en communication, animation socio-culturelle (ou assimilé), ou expérience probante dans le secteur.

• Barème de la CP 329.02

Contact / Échéance :

• Envoyez votre CV + une lettre de motivation à l’attention de : Stephan Grawez, Média Animation asbl 100, Avenue E. Mounier 1200 Bruxelles ou par mail à s.grawez@media-animation.be

• Date limite de candidature : 21 février 2014

 
9 janvier 2014

"Je maintiens aussi le blog et l'ouverture qui en découle"

Ce post fait suite à la lecture de PGiroux (Pedago Tic) "J'aime bien Google+ mais je retourne à mon blog"

Merci à Jacques Cool qui l'a tweeté pour sa TL et me l'a fait découvrir.

Capture d’écran 2014-01-09 à 10

 

 

 

Je relève ceci, pour ensuite commenter : "Je considère ensuite comme une erreur d'avoir utilisé une communauté fermée. Je me suis ainsi privé des commentaires de plusieurs autres pédagogues réflexifs, des gens qui me lisent sur Google +, Twitter et PédagoTIC et qui auraient probablement pu émettre quelques idées et commentaires ou engager des discussions et des débats avec mes étudiants. Je pensais que ce serait plus facile pour les étudiants d'être entre eux... Mais je me suis retrouvé pratiquement seul à donner l'exemple et ça na pas été suffisant".

Commentaire :

La période des formations en Education aux Médias (EAM) reprend ce mois de janvier et les programmes qui sont finalement organisés rassembleront pour ce qui me concerne, des enseignants du secondaire en Sciences sociales et en religion catholique (qui est un cours de formation générale chez nous).

Les propositions que je ferai envisageront l'usage des outils 2.0 pour dynamiser la classe et réorienter la pratique pédagogique vers la construction des savoirs en y ajoutant la préoccupation citoyenne de l'Education aux Médias. A cette fin, je tablerai sur la convergence des outils suivants :

- Carte mentale avec Mindmeister
- Wiki avec Zoho en ligne
- Collaboration rédactionnelle avec Titanpad et Google docs
- Blog hébergé chez Canalblog
- Curation avec Scoop.it

Mettant en place cette infrastructure, la semaine dernière, je me préparais mentalement à la question que ne manqueront pas de me poser l'un ou l'autre participants : "Pourquoi utiliser des outils ouverts qui publient sur le net ce qui devraient peut-être être hébergés sur des serveurs privés ?" (La question n'est pas sans intérêt car se pose aussi la question du respect des droits d'auteurs des éventuels documents devant servir de supports aux séquences de travail).

Mais la lecture de PGiroux, ce matin, me renforce dans mon choix. Il me semble à l'évidence que cette ouverture est bien une perche tendue à une collaboration extérieure. Au moins sous la forme de visibilité/lecture... Partager l'expérience en train de s'effectuer, c'est un premier enrichissement. Cela donnera peut-être l'envie à d'autres de se lancer. Et puis, cela permet les interactions avec une communauté plus vaste, que ce soit sur le fond (disciplinaire) ou sur la forme (technopédagogie). Tous les commentaires sont bienvenus, s'ils sont constructifs.

Voilà donc pourquoi je mets deux liens ci-dessous.

Le programme pour les professeurs de religion démarre ici
Le programme pour les professeurs en Sciences sociales démarre ici

Les enseignants seront invités à créer une séquence de cours qui table sur la participation active des élèves, comme eux-mêmes seront actifs et productifs (en matière de supports médiatiques didactiques) pour établir un parcours thématique en lien avec leur discipline (sur base d'un libre choix).

 

29 novembre 2013

Dangers du net : Au feu les pompiers !

La RTBf offrait encore récemment du temps d’antenne et de la place sur son site d’information en ligne au thème très décrié des « Dangers du net ». Service public régi par un contrat de gestion rédigé par le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, cette chaîne se doit d’informer, mais aussi de produire des émissions qui développent cette préoccupation que l’on nomme l’Education aux Médias. Au delà de l’inscription d’émissions spécifiques sur le sujet dans ces grilles (souvent à des heures désertées par le grand public), elle a l’opportunité d’inviter cette thématique dans des émissions grand public de milieu de journée. De mon regard de formateur de terrain, j’estime que cela marche, mais aussi que, parfois, cela dérape.

 

"De plus en plus, on entend parler de cyber-harcèlement[1]". Dans la foulée, un médiateur scolaire qui vient justement d’écrire un livre sur le sujet[2] poste un message sur le site de la RTBf[3] pour dire que « le numérique nécessite des balises que l’école n’est pas prête à leur donner ». Un intervenant qui revendique de « montrer la voie aux enfants et aux adolescents qui usent et abusent d’Internet et des réseaux sociaux ». Prolongation : Child focus est invité sur antenne dans l’émission « Connexions[4] ». Le journaliste qui pilote l’émission accroche son public en partant d’un fait d’actualité récent : « En février dernier, une jeune Française de 13 ans décidait de mettre fin à ses jours. Elle était victime de harcèlement à l'école et sur Facebook. ». Voilà ce que l’on peut appeler à tout le moins une « médiatisation convergente». Bien sûr, Astrid Pouppez, l’intervenante du bien connu service de recherche des enfants disparus, « veut d'abord voir le positif, en distinguant les risques d’Internet de leurs concrétisations dans les faits ». Mais… toute la suite de son intervention traite de façon alarmiste des dérapages dans l’usage des technologies à l’école et en famille. C’est d’ailleurs la manière dont ce service conçoit ses animations à destination du monde scolaire. Même penchant chez Mr. Butstraen, quand il intervient à titre privé en se servant malgré tout de sa carte de visite professionnelle de médiateur scolaire.

 

Et je me dis : Comment le ton pourrait-il en être autrement quand les intervenants sont « pompiers et ambulanciers n’intervenant que dans des situations de catastrophes ? ». On est dans la caricature (mais on sait combien les médias aiment ça !) : « L’école, l’association de parents fait venir en classe le monsieur moustachu ou la madame frisson pour vous dire combien il est dangereux de jouer avec des allumettes ! » Et quand un média –de service public, svp- met son coup de projecteur sur cette manière de faire, le formateur en éducation aux médias que je suis ne peut que se désoler du contre-coup qu’il va devoir gérer par la suite sur le terrain : l’incompréhension intergénérationnelle renforcée.

 

Cela me fait penser à cette supercherie qu’un enseignant français avait construite pour piéger ses élèves[5] trop enclins à puiser sans réflexion, des réponses toutes faites sur le net. Dans les médias qui, une nouvelle fois, caricaturaient le propos en l’interviewant, il expliquait tout le travail qu’il avait monté (des heures de son temps de vacances) pour faire la preuve que les élèves sont incapables d’un usage intelligent de ces technologies qu’il vaut dès lors mieux tenir en dehors de l’école, pour n’y revenir qu’ensuite et s’en déjouer. Lamentable ! Il fut d’ailleurs la cible de nombreux collègues qui, fort heureusement, confièrent à l’Internet (et non plus aux journaux qui étaient déjà passés à un autre sujet après avoir déversé leur fiel) tout le travail effectué (des heures de leur temps de vacances, eux aussi) à préparer des séquences d’apprentissage intelligent des technologies[6]. Le schéma tout à l’inverse du premier. Bien plus formateur, naturellement !

 

S’il faut bien évidemment reconnaître avec Chr. Butstraen, que l’école a une mission d’éducation aux médias[7], il n’est pas opportun de l’envisager au départ de situations de dérapages qui se produisent certes, mais dans des proportions toutes relatives. Une médiation scolaire ou un service de recherche d’enfants disparus sont bien évidemment des unités confrontées à temps plein à des situations délicates. Mais les enseignants et les parents eux, et fort heureusement, ont un quotidien qui rencontre bien plus d’aspects positifs dans l’usage que font leurs enfants des nouvelles technologies. Et l’éducation qui s’impose, (car il en faut une à ces canaux de communication et de transmissions d’informations et de savoirs), est plus à construire dans la perception des avantages et limites d’un bon usage des ressources que ces médias autorisent. Ces médias nouveaux, tout comme les médias anciens : la presse, le cinéma, la télévision qui méritent eux aussi une alphabétisation médiatique des jeunes. Car les pédagogues des médias n’ont pas découvert avec le net cette nécessité de faire du jeune un « citoyen consommateur actif et critique des médias[8] ». Et leurs propositions pédagogiques s’inscrivent dès lors dans la droite ligne du type d’activités constructives qui abordaient déjà les médias anciens, sans les diaboliser pour autant.

 

Invité par Sylvie Honoré dans « La vie du bon côté », à l’occasion du Salon de l’Education en octobre dernier, sur cette même antenne de la RTBf donc, j’avais eu grand plaisir à développer « les aspects positifs d’un usage scolaire des ressources en réseau[9] ». En cela, j’avais l’impression que, sans compromission aucune, la télévision de service public, elle-même membre du Conseil Supérieur de l’Education aux Médias, répondait aux injonctions qui lui sont faites d’accorder du temps d’antenne à cette préoccupation citoyenne d’éducation critique. Procédant de la sorte, je trouvais même qu’elle pratiquait de manière plus intégrée qu’en inscrivant dans ses grilles, mais à des heures désertées par le grand public, des émissions spécifiques sur le sujet[10].

 

Mais visiblement, un clou chasse l’autre à l’antenne. Mais c’est ça aussi l’Education aux Médias : savoir qu’un journaliste n’est pas l’autre, qu’il développe sa ligne éditoriale en jouissant d’une grande autonomie, avec plus ou moins de conscience professionnelle, avec des préjugés personnels qui ne peuvent être totalement contenus, avec une emprise du temps pour préparer son émission… Et il apparaît plus simple alors sans doute de répéter les propos déjà diffusés par la concurrence, plutôt que de solliciter des témoignages d’enseignants, d’animateurs et de parents qui font de l’Education aux Médias à temps plein. Cette stratégie éditoriale hautement contestable, à mon sens, s’avère pourtant rentable dans un premier temps, car la caricature n’invite pas à réfléchir, mais plutôt à se laisser porter par la vague populiste. Généraliser des situations somme toute marginales (quelle réelle fréquence pour ces dangers très médiatiques ?), s’en inquiéter en les dénonçant comme l’illustration du mal moderne  et proposer des solutions simplistes qui se décrivent en quelques mots, c’est une résolution qui a défaut d’être efficace, satisfera l’audimat encore non éduqué à la problématique. Alors que développer des stratégies vraiment pédagogiques, cela réclame du savoir-faire, de la patience, de la répétition, des essais et erreurs… Toutes choses qui ne se laissent pas résumer à quelques propos radiophoniques vite faits. Alors, que conclure ? Choix éditoriaux différents et peut-être complémentaires, direz-vous, entre journalistes collègues autrement lunés l’un et l’autre, sur la question ? Une chose est sûre : parents et enseignants, si vous engagez le débat sur le sujet avec vos jeunes en démarrant sur les risques qu’ils courent sur Internet, attendez-vous à ce qu’ils vous prennent pour des « nazes » et préfèrent vous mentir sur ce qu’ils font pour couper court à une conversation dès lors sans intérêt. C’est l’enseignement que retire de sa longue expérience des débats avec les ados, la chercheuse danah Boyd[11]. Par contre, intéressez-vous à ce qu’ils font, apprenez d’eux un certain nombre de choses et complétez leurs approximations ou manquements d’un partage de vos questionnements, de vos débuts de réponses et de ce que votre âge plus avancé vous donne comme expérience de vie… il y aura peut-être alors une chance que chacun s’instruise des pratiques de l’autre. Un meilleur début que de leur rentrer dans le lard au retour d’une conférence où l’on vous aurait asséné fortes statistiques –souvent non représentatives- sur les dangers du net !

 


[1] Comment réagir au cyber-harcèlement ?  Du rôle des parents à celui des écoles  http://www.rtbf.be/info/societe/detail_cyber-harcelement-comment-reagir?id=8140310

[2] BUTSTRAEN Christophe, « Internet, mes parents, mes profs et moi », De Boeck, Bruxelles – LLN, 2013. http://www.pedagolivres.com/fiche.asp?id=isdysaobfugysa&/internet-mes-parents-mes-profs-et-moi/christophe-bustraen

[7] Notons que la Fédération Wallonie-Bruxelles a mis sur pied et finance depuis 1995, un Conseil Supérieur de l’Education aux Médias et trois Centres de ressources pour une Education aux Médias à l’école et tout au long de la vie. Voir : http://www.educationauxmedias.eu/

[8] Média Animation, comme Centre de ressources, forme les enseignants et anime des projets d’éducation permanente en ce sens : http://www.media-animation.be/Thematique-no-1-Education-critique.html

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