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Mediacteur
28 avril 2015

Prendre congé

MB_siteEcoloC'est au milieu des années '90 que j'entamais une mission en Education aux Médias au service de mes collègues de l'enseignement Libre francophone en Belgique. Devenu formateur à Média Animation (Bruxelles), le Centre de ressources de mon réseau, je faisais aussi le choix de signer ma présence sur le net du pseudo "Médiacteur", le néologisme qui désignait aussi un programme de formation à distance en Education aux Médias que je venais de suivre auprès de l'organisme qui m'engageait.

Vingt ans se sont écoulés qui m'amènent en avril 2105 à la pré-retraite. Déposé là le baluchon. Place aux jeunes qui, ces dernières années, ont rejoint l'équipe. Place aussi à un(e) remplaçant(e) qui me succèdera dans les dossiers et les chantiers nombreux pour que l'EAM se développe toujours plus.

J'aimerais, si pas fermer ce blog professionel, du moins l'estampiller d'une contribution sous forme de bilan. Mais je ne garderai pas le dernier mot pour moi. L'envie sera en effet de poursuivre par le copier/coller d'un éditorial signé Denys Lamontagne (Thot Cursus) qui arrive à point nommé, alors que je dépose ma valise. Ces deux textes seront comme une parenthèse de fermeture... sans que le point final ne soit nécessairement mis à cet espace d'expression... Mais à l'évidence, j'y serai maintenant moins présent.

A l'adresse de mes collègues, je prononçais il y a peu, ces quelques mots :

Envisageons donc ceci comme une salutation au terme d’un parcours de 20 années dans un chouette boulot dont j’aimerais donc, en finale toujours provisoire, vous partager ce qui m’aura fait faire sens. Et le prof que je fus commencera par parler un peu de pédagogie.

« Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Qu’as-tu que tu n’aies à partager ? » C’est là que se trouve une des premières intuitions de mon parcours d’enseignant. La terre, le savoir, la vie même, tout nous a été donné. Il nous faut, il me faut en  tout cas, transmettre à mon tour. Ou plutôt « faire accoucher ». Ce sera aussi la fonction de ces quelques lignes : mettre des mots sur des choses vécues pour en partager un peu du fruit.

Quelques maximes exprimeront peut-être mieux que mille mots ce qui aura guidé mes choix. Une première phrase que j’avais affichée sur un mur de ma classe : « Apprendre, c’est oser faire une première fois une chose que je ne sais pas encore faire avec l’envie de le faire mieux à l’avenir ». Enseigner… un métier qui ne s’apprend pas à l’école. Et sans doute encore moins à l’université. Que d’erreurs commises sans doute à mes débuts de jeune prof… « Essais et erreurs »… une nécessité pour progresser. Un droit que j’aurai finalement trouvé légitime de pratiquer avec les profs que j’aurai accompagnés pendant 20 ans en formation. Un droit qui aura été au cœur de ma propre pratique. Ne sachant pas trop comment on enseigne, j’ai embrassé la carrière durant 15 années. Ne sachant pas trop ce que c’est que l’EAM et la formation d’adultes… j’ai là aussi compté sur les collègues pour apprendre et faire une première fois sans le savoir ce que j’ambitionnais dès lors de faire mieux avec le temps.

« J’ai cherché à vous apprendre à vous passer de quelqu’un qui vous dirait ce qu’il faut penser, qui vous dirait ce qu’il faut voir ». Je pense en effet qu’on n’apprend pas à autrui. Si le prof enseigne, l’élève lui, apprend (même si, dans cette relation, l’enseignant apprend toujours et a, dès lors, l’occasion de faire de nombreux progrès). Enseigner, c’est sans doute très peu souvent transmettre, même s’il y a un bagage qui accompagne l’apprenant et qu’il faut le lui fournir. Enseigner, c’est sans doute plutôt doter celui qu’on accompagne d’un équipement, d’outils pour qu’il construise lui-même ses apprentissages.

« Enseigner, former, ce n’est pas remplir un seau… c’est allumer un feu ! » Il ne peut donc sans doute y avoir de meilleure posture enseignante, de meilleure posture de formateur que lorsqu’on partage son propre enthousiasme à apprendre. Et que l’on est encore donc occupé d’apprendre pendant qu’on accompagne ses élèves. J’ai souvent exprimé en formation, ce schéma de Jean Fourastié, penseur français, qui représentait par un disque le savoir que l’on se construit. En trois disques de plus en plus grands, il figurait la croissance du savoir de celui qui apprend. Et il faisait remarquer qu’au fur et à mesure de cette croissance de la surface, la circonférence grandissait tout autant. Cette circonférence, rappelait-il, est le point de contact entre ce que je sais et ce que je ne sais pas. Plus je sais de choses et plus je prends conscience que j’en ignore donc d’autant plus. De ce fait, je pense qu’être enseignant, être formateur demande d’être modeste. Modeste, parce que finalement, on ne connaît que peu de choses et que l’évolution du monde rend très vite obsolète des choses qui servaient hier et n’auront plus beaucoup d’importance demain. Regardons l’apport des technologies. Que de choses apprises pour les faire fonctionner dans nos vies avec pertinence et qui sont aujourd’hui dépassées, inutiles, car on ne fait plus les mêmes choix, parce que les priorités ont changé.

« On forme aujourd’hui aux métiers de demain, on apprend à utiliser des technologies qui n’existent pas encore ». Difficile dès lors d’être sûr de ce que l’on fait. Une nouvelle fois, la modestie doit primer. Mais cela signifie aussi que l’on n’est responsable que de soi-même. Une part de lâcher prise doit nous habiter… Il se passe des choses dans un accompagnement de formation que nous ne maîtrisons pas et qui peuvent surgir notamment des interactions que l’on autorise. C’est la raison pour laquelle, ces dernières années, j’ai été très sensible à l’arrivée sur le marché des technologies, d’outils de collaboration… et que Wikipédia m’est un modèle très cher dans le domaine de la construction collaborative des savoirs..

35 ans de travail m’ont confronté quotidiennement à ces interrogations. Essais et erreurs, conviction que je n’en connais que très peu et que je dois continuer à réévaluer mes propres savoirs pour construire de nouvelles postures toujours plus adaptées à un monde qui change.

Quand j’enseignais encore, j’utilisais l’image suivante pour dire combien, selon moi, le monde prend de la vitesse dans son évolution. Je disais que l’enfant aujourd’hui, apprend à marcher dans un train lancé à TGV. Il doit toujours faire ses apprentissages de base, comme nous avons dû les faire, mais alors que nous avons appris à marcher sur le sol stable de la maison familiale, lui apprend sur un sol en mouvement, avec des repères au niveau du regard, qui sont le paysage qui défile à la fenêtre du train. Les apprentissages qu’il fait ne sont plus tout à fait de la même nature que les nôtres.

Et donc, quand je suis arrivé à Média, modestement, j’ai envisagé que je devrais tenter d’acquérir et de garder 400 mètres d’avance sur les enseignants que j’aurais à accompagner, en osant des pratiques d’avant garde qui n’existaient pas encore. Avec pour mission de rendre l’appropriation de celles-ci la plus aisée possible… en révélant donc aux profs que les choses sont à leur portée, simples. Mais en me mettant donc toujours en danger de les voir dès lors très vite me rattraper.

 

Ci après l'édito de Denys Lamontagne qui laisse percevoir par quoi nous sommes passés ces 20 premières années... et qui annonce la suite que je laisse à plus jeune que moi... encore beaucoup de travail, ah ça oui !

"On peut enfin dire que la technologie fonctionne dans la plupart des lieux de formation. Ce qui diffère maintenant est surtout le niveau de technologie utilisée.

Grâce aux branchements automatiques, à des protocoles robustes et à de meilleurs systèmes d’opération, la crainte de voir son activité interrompue intempestivement par une défaillance technique est presque chose du passé. L’effet pédagogique des technologies est finalement la seule question qui importe.

Des jeunes qui ont toujours été accompagnés par les technologies sont maintenant parmi nous. La question de fonctionner avec les technologies en éducation ne se pose même plus. Il nous reste à trouver les meilleures façons de les utiliser et d’évoluer avec elles."
http://cursus.edu/dossiers-articles/dossiers/198/fonctionne/0/#.VT95cma0cne

 Bon vent à tous !

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