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Mediacteur
2 septembre 2013

Ludovia 2013 : Quid de l’EAM dans ce temple des TICES ?

2013-08-26 21Nous avions rendez-vous avec un thème enthousiasmant, cette année encore. Après celui du « Plaisir d’enseigner avec le numérique en 2012 », la dixième année de l’Université d’été en Ariège était l’occasion d’évoquer les « Promesses (tenues ou non de 10 ans de numérique dans les écoles) et l’imaginaire (ce que l’on peut rêver pour les 10 ans à venir) ». Si la Fédération Wallonie-Bruxelles figurait comme invitée d’honneur, il y avait aussi une intention, celle de faire de la place à l’Education aux Médias (EAM). Retour avec vous, sur cette semaine très laborieuse.


Ludovia, c’est avant tout la rencontre de partenaires du monde scolaire qui ne bénéficient que rarement de cette opportunité de croiser, tous ensemble, leurs points de vue sur l’éducation : les politiques et leurs administrations, les chercheurs, les industriels, éditeurs et développeurs ainsi que les enseignants. Premier constat que vous ferez donc : les jeunes ne sont pas représentés… Tout au plus, l’un ou l’autre représentant d’une association de parents…

L’université d’été, c’est d’abord un colloque scientifique. Mais le nombre des inscrits a plutôt tendance à se maintenir alors que le programme orienté « grand public » ne cesse de voir son audience s’envoler. 700 participants physiquement présents (et 1900 visiteurs sur le net…) pour 600 en 2012. Le concept se décline en Conférences plénières, en Tables rondes, en Explor-Fab et Bar-Camps[1]. Du temps informel aussi, bien sûr… les repas, les temps libres (très, très peu) et l’incontournable et tout autant original « Biathlon numérique », sorte de « La tête et les jambes » cumulant la créativité pédagogique de partenaires choisis de façon aléatoire, et le jeu de boules.

Le programme est tellement dense qu’il est im-pos-sible de tout voir et entendre ! Vous revenez donc pour une grosse part, frustré, et avec un point de vue inévitablement partiel de la réalité. Reste que, sur Internet fort heureusement, beaucoup de comptes rendus permettent de compléter votre vision personnelle. C’est d’ailleurs la mission première de l’équipe internationale de bloggueurs influents : élargir l’audience[2] en relayant en temps réel les propos tenus et, si possible, en les commentant. Outil essentiel dans ce cas : Twitter et le hashtag « #ludovia2013 ». Mais le recul critique est difficile à faire dans le chaud de l’action. Plusieurs développent donc leurs réflexions sur leurs blogs (rédaction asynchrone)[3].

Un constat s’impose d’emblée au formateur en EAM que je suis : les participants ne sont pas inquiets (comme le sont souvent nos récipiendaires de formation) des risques de l’internet. Ludovia, c’est le temple des Tices… Autrement dit, tout le monde approche la réalité technologique comme un outil (plus ou moins) performant, capable d’effectuer des tâches (aussi scolaires) et que l’on sollicite afin de résoudre des problèmes de communication, de gestion de tâches, de simulation, … et surtout de production… Surtout !. Les pédagogies qui sont mises en œuvre sont actives et collaboratives. Ici, les réseaux sociaux, avant que d’être des produits commerciaux en ligne (entendez Facebook, Meetic, LinkedIn…) sont avant tout des communautés d’utilisateurs qui peuvent se rendre des services. C’est ce qui m’a le plus frappé cette année, dans le savoir-faire mis en œuvre par l’enseignant de terrain embarqué avec moi dans le Biathlon numérique : il jonglait avec les outils numériques en les utilisant chacun pour la tâche qu’il pouvait en attendre… tourné qu’il était prioritairement vers la tâche –pédagogique- que nous nous étions promis de réaliser. L’outil numérique[4]  n’était qu’un pipe-line, un vecteur pour faire avancer le smilbick : notre projet pédagogique. Dieu que l’on était loin de la peur et des freins qui détournent certains enseignants (et aussi énormément de parents) obnubilés par les « Dangers du net » ! A Ax, les thermes, ville d’eaux, bain de plaisir donc, dans ces usages débridés choisis à bon escient.

Mais quid de la réflexion critique, direz-vous ? Y a-t-il une réflexion d’EAM dans cette grand messe vantant l’efficacité des tuyaux technologiques ?

Soyons clairs : le propos central est bien celui des Tices dans l’enseignement. Mais les intervenants de la délégation wallonne ont bien senti la nécessité de mettre l’accent sur la complémentarité : équipement, usage et réflexion critique.

Marcel Lebrun[5], tout d’abord, qui a repris des propos qu’on lui connaît de longue date[6], sur l’émergence de nouvelles compétences, du fait de l’intégration des outils numériques. Sa conclusion était bien dans le sens de l’EAM. Il exprimait en substance, que si des lieux de réflexion comme Ludovia se contentent d’évoquer l’émergence de nouvelles technologies (entendez : smartphone, TBi, tablettes…) à chaque nouveau développement, on en oublie la question principale qui devrait nous mobiliser : « En quoi est-ce que cela change la pédagogie ? Est-ce que l’on apprend différemment avec ces outils ? Est-ce que l’on apprend mieux ? » La réflexion doit être pédagogique et non d’abord technocentrée.

André Delacharlerie ensuite qui participe, à l’AWT, à la réflexion sur les plans d’équipement des établissements scolaires et qui a produit une analyse 2013[7] des usages des Tices dans les écoles de la FWB. Très remarquée[8], sa participation à la Table ronde sur les ressources numériques et l’Explorcamp qu’il a animé en présentant EtiGliss, un outil logiciel développé par ses soins au bénéfice d’une enseignante de ses amies et distribué sur le site[9] partenaire de l’AWT. L’intérêt du propos, une nouvelle fois, était bien de rebondir : évoquer un outil numérique pour réfléchir sur les modifications du métier d’enseignant et sur les tâches que l’on fait accomplir aux apprenants. Plus que d’EtiGliss, André Delacharlerie parle des modifications méthodologiques que l’outil autorise dans le travail de Christine Van Hove, l’amie enseignante avec qui il a développé cette stratégie logicielle.

Isabelle Mars et Sandrine Geuquet enfin, enseignantes elles aussi de notre FWB, et qui ont partagé leur expérience d’introduction, l’une d’une plate forme LMS et l’autre des tablettes numériques, pour décrire les évolutions que cela engendre chez leurs collègues, une fois qu’ils réalisent ce que ces outils permettent comme repositionnement pédagogique de l’enseignant dans sa classe.

On attendait l’intervention de Claudine Damoiseau qui devait présenter le passeport Tic et y adjoindre le positionnement conjoint de l’EAM tel que sa participation aux GT du CSEM lui permettait de le décrire. Elle était hélas malade… et Sébastien Reinders (Technofutur) s’est dès lors contenté de faire une présentation très schématique des institutions francophones, sans pouvoir évoquer l’essentiel. Dommage !

Il y a donc eu beaucoup d’interventions intéressantes qui ont campé 10 ans de pratique du numérique. Une table ronde sur les ressources numériques a posé la question de la liberté de publication (éternelle question des droits d’auteurs[10]), une autre sur les ENT (espaces numériques de Travail) a fait resurgir la question des outils spécifiquement scolaires et fermés (protection versus dissémination plus audacieuse). On ne pouvait manquer non plus une réflexion (déjà sensible l’an dernier) sur l’émergence des tablettes. Cela a aussi permis d’aborder la question de la mobilité[11] (attendue, spatialement vraie ou virtuelle) dans la classe.

Personnellement, je reste un peu sur ma faim, car je n’ai pas senti suffisamment la complémentarité des approches. On a bien sûr dénoncé ce qui n’aurait été qu’une approche technique si l’on s ‘était contenté de parler du fonctionnement des outils (fussent-ils tout nouveaux). Mais approcher leur usage en classe peut, là aussi, se limiter à une réflexion didactique : comment implanter ? D’autres, au delà de la méthodologie, s’interrogent bien sûr sur les ressources médiatiques et les contenus disciplinaires, faisant de leur approche un souci procédural ou documentaire (Y a-t-il des produits –hard ou software- spécifiques pour mon cours ?). Tout cela est bien légitime mais pose essentiellement la question : qu’est-ce qui existe, comment ça marche et est-ce que cela rejoint le programme de la discipline que j’enseigne ? Ce qui relève pourtant de l’EAM est d’un autre ordre. Différent et complémentaire : Qu’est-ce qui se passe quand cela se passe ? Ce questionnement porte sur la manière dont l’individu se positionne de façon critique par rapport à l’apprentissage, son contexte et son contenu : Est-il actif ? Jusqu’où ?  Sa participation est-elle souhaitée à titre personnel ou au sein d’une collaboration ? Au delà de la compréhension, de la mémorisation ou de l’exercisation, est-ce que son jugement, sa réflexion, sont sollicités ? Sa capacité à inscrire sa posture dans un processus collectif est-elle requise (insertion dans un réseau apprenant, avec partage des ressources et/ou validation par les pairs…)? Bref, au cœur de l’apprentissage qui ne nie pas la place importante du contenu (savoirs) ou du processus (savoir faire), l’EAM réclame un pas de côté, une réflexion sur le processus en cours, sur ses finalités sociales (Savoir être). En ce sens,  l’EAM intègre toujours une dimension d’Education à la citoyenneté, d’où la structuration proposée aujourd’hui par le CSEM, sur base de la proposition de P. Fastrez et Th. Desmet[12].

Les interventions de Ludovia telles qu’annoncées auraient dû permettre une meilleure perception de cette distinction de questionnements. Si Marcel Lebrun a bien ouvert la réflexion, on aurait pu avoir, à l’occasion de l’exposé demandé à Claudine Damoiseau (Passeport Tic – FWB), une schématisation claire mettant en lumière la complémentarité des approches : Equipement des écoles, intégrations des Tices, développement de supports et scénarios pédagogiques en lien avec les disciplines, et enfin EAM (voir donc l'annexe sous les notes de bas de pages de ce post).

La prise en compte de cette complémentarité est encore assez marginale, car elle réclame d’embrasser largement les conséquences de l’intégration des technologies en classe. Savoir comment elles fonctionnent, les intégrer, en faire un usage qui serve la discipline que l’on enseigne et qui ouvre les élèves à des pratiques formatives nouvelles, c’est déjà un effort notoire. Le question spécifique de l’EAM s’ajoute à tout cela, posant une question supplémentaire porteuse d’une vraie question citoyenne. C’est une étape ultime dont beaucoup font l’économie. Soit parce que ces questions n’auraient pas lieu d’être, les médias en jeu ayant pour simple fonction d’instrumenter les apprentissages. Soit parce qu’il est normal de faire confiance aux développeurs et aux éditeurs qui, s’ils sont actifs sur le terrain de la publication éducative, ne peuvent avoir que légitimement gagné leurs lettres de noblesse.

Un peu comme s’il était incongru de remettre en question ce que dit le manuel scolaire de l’inspecteur, le scénario des sites éducatifs (pour ne plus évoquer les émissions de télé scolaire) ce qui est écrit dans le journal ou ce qui est présenté au JT.

Or l’EAM commence là, quand comprenant le mode opératoire de la production médiatique, quand connaissant les coulisses de ses productions, le consommateur médiatique se demande dans quel jeu il est pris… pour quels enjeux sociétaux d’apprentissage et de formation.

Ludovia 2014 sera la onzième édition, l’anniversaire donc des 10 ans de cette université d’été. Formulons alors deux souhaits : la présence active des jeunes dans cette version anniversaire. Et une plus grande place encore pour cette prise en compte de la diversité des approches du numérique qui donne une place plus nette à l’EAM

 

(Voir après les notes de bas de page, l'annexe sur les "Différents niveaux d'interrogation sur les tices")

[1] L’explorcamp est un temps de partage d’expériences, le fabcamp donne l’occasion de construire ensemble un parcours, un outil, … et le barcamp est l’occasion, autour d’un verre, de réfléchir ensemble en prolongeant le propos d’une conférence ou d’une table ronde, par exemple.

[2] 11 bloggueurs comptabilisant un cumul de 48.270 abonnés, ce n’est pas rien comme base de diffusion

[3] Mes impressions et analyses personnelles sont en ligne à l’adresse : http://mediacteur.canalblog.com/archives/ludovia_2013/index.html

[4] Nicolas Bretos disposait d’une large boîte à outils  auxquels se sont ajoutés ceux de Nicole Richard, notre co-équipière institutionnelle (elle bosse à l’Académie de Montpellier) et les miens. Belle collaboration dont vous pouvez lire la présentation : http://mediacteur.canalblog.com/archives/2013/08/29/27917472.html  !

[5] Les vidéos de M.L. sont tjs en ligne (voir : http://www.ludomag.com/tag/lebrun/ ) et fournissaient dès avant le jour « j » le cœur de son intervention.

[6] On connaît aussi bien sûr son penchant pour la classe inversée !

[7] Baromètre des usages Tices : secteur éducation http://www.awt.be/web/dem/index.aspx?page=dem,fr,b13,edu,005

[8] Voir  l’interview réalisée sur le chemin du retour :une heure et demi d’autocar vers l’aéroport… une belle opportunité saisie pour laisser l’homme nous présenter son enfant… Il ne s’est pas fait prier : http://mediacteur.canalblog.com/archives/2013/08/29/27917418.html

[10] Lire notre contribution : Tout droit les éditeurs, tout doux les copieurs : http://mediacteur.canalblog.com/archives/2013/08/27/27917743.html

[12] Voir cette première parution en ligne à l’initiative du duo de chercheur-enseignant : http://culturedel.info/grcdi/wp-content/uploads/2012/10/Seminaire-GRCDI_2012_texte-P.Fastrez.pdf

 


 

Annexe : Complémentarité des niveaux d’interrogation sur les Tices

 

1. Approche technique : Comment faire fonctionner l’outil ?

Exemples :

-       Se former à l’usage du traitement de texte, du diaporama, du courrier électronique, à la création de sites, de blogs, à la publication de newsletter, etc.

Certaines formations sont données dans cette optique, sans nécessairement s’inquiéter que l’apprenant comprenne ce qui se passe. Le focus est mis sur le résultat obtenu. Des procédures peuvent être enseignées en attendant de l’apprenant –servile- une acceptation et une intégration  mimétique du mode opératoire. L’essentiel est « que ça marche ».

 

2. Approche didactique : Quels services les technologies me rendent-elles dans la préparation de mes cours ou la gestion de mes classes ?

Exemples :

-       Dactylographier mes notes de cours, les partager en ligne, les co-construire avec des collègues dans des réseaux sociaux, etc…

-       Publier les tâches scolaires au sein d’un agenda partagé en ligne, établir un bulletin électronique pour ses élèves, gérer les corrections d’un TFE avec la fonction « suivi de modifications » des documents rédigés par l’élève.

L’intégration progressive des habiletés techniques permet à l’enseignant de transposer le processus de production de documents et de gestion de tâches dans des stratégies technologiques. Il ne change pas pour autant sa pratique, mais l’efficacité des technologies aidant, il fait son travail avec plus de rapidité et progressivement, une plus grande efficacité.

 

Approche procédurale et documentaire : Quels produits hard et software pour ma discipline ?

Exemples :

-       Quel logiciel pour mon cours (Cabri-géomètre en math, réseau des Clionautes pour les profs de géo, hist SVT, Autocad pour les métiers du dessin technique, …

-       Usage d’ENT ou de plates-formes LMS pour gérer des projets scolaires en ligne,

-       Converser en langue étrangère avec une classe de la langue cible, grâce au logiciel Skype

-       Mener un projet de correspondance scolaire via le net

Découvrant de nouveaux outils et de nouveaux supports en lien avec la discipline qu’il enseigne, le professeur se risque progressivement à de nouveaux usages. Les nouveaux outils font plus que ce qu’autorisaient les processus anciens. Dès lors, l’activité scolaire s’enrichit de nouvelles perspectives pédagogiques.

 

Approche d’EAM : Qu’est-ce qui se passe quand cela se passe ? Quelle modification dans ma pédagogie, quel changement de posture ? Quels nouveaux enjeux de société dans la construction des apprentissages ?

Exemples :

-       Mettre en place un forum d’échanges pour inviter les élèves à la construction collaborative des savoirs

-       Construire une méthodologie de recherche d’informations fiables en prenant en compte le caractère collaboratif des ressources publiées en ligne (par ex. dans Wikipédia)

-       Compréhension de la notion de « représentations médiatiques » compte tenu du fait de la sélection et du traitement d’un événement d’actualité

-       Interrogation sur le modèle économique qui sous-tend un producteur d’informations, de services ou de divertissements en ligne, notamment dans les univers se présentant comme « gratuits ».

 

-       Compréhension de la place de la publicité et plus largement des annonceurs dans le monde médiatique.

Ce faisant, l’apprenant élargit son questionnement. Il ne s’agit plus simplement de savoir comment cela marche, ni de se contenter d’obtenir le fruit de son travail avec un moindre effort, pour une efficacité renforcée et souvent aussi, avec une démultiplication des effets. Le parcours est maintenant l’occasion de s’interroger de façon critique sur le processus en cours et les enjeux occupés à se dérouler. Dans ce questionnement, on s’interroge également sur la place que l’on tient dans la société du fait du rôle que l’on nous invite à remplir.

 

L’EAM est une réflexion citoyenne sur les enjeux nichés au cœur de la communication médiatique s’exprimant au quotidien et des processus médiatiques mis en place au service des apprentissages.

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