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Mediacteur
15 janvier 2010

".be" : Un petit suffixe qui change beaucoup de choses

rtbfbe

Ce mois de janvier 2010, le service public francophone du boulevard Reyers change de nom. Un petit appendice s'ajoute à sa dénomination originelle. Un exposant estampille le logo. Mais il ne s'agit pas d'un simple lifting pour faire "à la mode", un peu comme certains qui ajouteraient un "2.0" derrière leur patronyme de toujours, sans comprendre que cela réclame alors un véritable nouveau positionnement. Quelques jours plus tard, Alain Gerlacherevient sur son blog en contextualisant plus largement le tournant amorcé.

Ajouter la dimension "Internet" au duo "Radio et Télé", ce n'est pas simplement affirmer, jusque dans son patronyme, que l'on diffuse aussi ses contenus sur le net pour leur assurer une seconde vie... Entendez : en proposant des podcasts et/ou téléchargements en streaming, voire la télé à la demande.

Invertir Internet de la sorte, c'est véritablement établir que le monde numérique bouleversant les pratiques, le consommateur de médias réclame aujourd'hui un accès généralisé aux programmes. En ce sens, il ne s'agit plus de consommer l'info dans le cadre d'une grille de programmes faisant figurer JP et JT dans des tranches horaires précises. Pas plus qu'il ne s'agit de consommer les programmes (et donc aussi le divertissement) sur les seules consoles ou les écrans de papa. Alain Gerlache l'affirme avec justesse : " L'internet mobile, c’est là que se trouve le véritable enjeu aujourd'hui et aussi les possibles sources de revenus futurs."

Mais que justifie les critiques venues des médias privés concurrents et notamment de la presse écrite, à l'annonce de cette mutation signifiée par le changement de patronyme ?

Par le passé, on écoutait le journal parlé parce qu'une radio diffusait au bureau ou à domicile. L'heure de la grand messe arrivant, on se calait dans un fauteuil pour suivre le journal télévisé. Enfin, on complétait généralement sa réflexion politique (au sens premier du terme) par la lecture approfondie d'un quotidien de la presse écrite ou un magazine d'information. On multipliait donc la consultation des sources d'information et on  garantissait ainsi à chacune d'elles un lectorat bien nécessaire au creux du modèle économique basé sur l'audimat et des ventes. Or, il s'avère de plus en plus évident que demain le citoyen branché globalisera sa consommation médiatique sur la (une seule ?) console de son choix. Convergence des plates-formes et des programmes oblige !

En effet, à partir du moment où une console multimédia -portable, de surcroit- permet à tout moment le cumul des pratiques (info-textes, audio et vidéo) et que le service en ligne offre également les prolongements commerciaux des produits dérivés... on comprend que la concurrence de marché fasse d'internet "le nouveau terrain d'affrontement entre les médias publics et privés".

Alain Gerlache, qui poursuit sur son blog, précise bien que "Le noeud, c’est en fait le partage des revenus générés par le web" et le fait que, vu du point de vue des médias privés et donc notamment de la presse écrite, "le service public soit avantagé du fait de son financement par l'état". Et l'analyse est pertinente quand A. Gerlache signale qu'il ne s'agit pas seulement de se partager les recettes publicitaires du net, mais aussi les apports du commerce en ligne que la juxtaposition des fenêtres d'un même site permet aisément. Qui sait en effet, si demain, le journal en ligne sera encore un journal... et pas plutôt une boutique ? N'est-ce d'ailleurs pas déjà devenu un peu le cas ?

Car la probable tournure des événements, c'est donc bien qu'une fois qu'un internaute aura choisi son service en ligne (ou son opérateur), il lui sera proposé un pack service complet, le dissuadant de s'approvisionner à la concurrence pour tout ou partie de ses autres besoins ! Un peu à l'image de cette guerre commerciale que se livrent en ce moment les télé-opérateurs : Radio-télé-mobile-internet : tout en un. La globalisation de l'offre technologique invitant, pour un prix forfaitaire, au choix d'une ligne éditoriale unique, là où l'on s'alimentait précédemment à deux, trois, voire quatre sources différentes d'information et de services.

Illustration de cette mise en avant d'une consommation unique ? La publicité faite actuellement par un  télé-opérateur belge qui inclut d'emblée dans le décompte des avantages de son offre le fait que l'on peut désormais renoncer au coût de l'abonnement au service concurrent ! Comme si un journal justifiait son prix en disant qu'il vous dispense de vous abonner à un magazine télévisuel puisqu'il insère les grilles de programmes télé dans ses colonnes !

Caricaturons pour nous faire peut-être mieux comprendre. Si, par le passé, le gentleman citoyen choisissait en toute indépendance, son journal, son tabac et son chapelier, il semble qu'à l'avenir, le choix de son quotidien lui impose la pipe et le chapeau qui vont avec. A moins que ce ne soit le choix du chapeau qui n'impose les deux autres ! Avec comme tracas majeur qu'on ne sache plus à l'avenir qui, du chapelier ou du cigarettier, a rédigé le journal dont on consomme, quasi contraint et forcé, la ligne éditoriale. Convaincu que l'on serait, en tout cas, qu'il n'est plus l'oeuvre d'un journaliste professionnel.

Certes, à l'heure du net, il faut imaginer un nouveau modèle économique pour les médias.  Pour la presse, écrite, par exemple, la seule vente des exemplaires papier ne suffit visiblement plus ! Il faut aussi rencontrer la demande du consommateur qui, jouissant des consoles mobiles de son époque, en attend une performance maximale. "Tout, à tout moment, et si possible gratuitement "sera sans doute sa devise. Mais, le risque majeur est bien dans le montage économique qui se dessine. Ce risque était déjà présent dans les médias classiques, du fait du poids des annonceurs publicitaires sur la liberté d'expression des journalistes. Tant en presse écrite qu'en télé ou en radio. Mais il semble que le problème connaisse à l'avenir une acuité plus forte du fait que les différences entre les médias s'estompent et que la diversification des sources de rentabilisation sur le net poussent de plus en plus aux amalgames économiques.

Que l'on se rappelle alors les petits glissements éditoriaux que l'on a vu naître dans la presse récente... et que l'on mesure le risque qu'ils se reproduisent à plus grande échelle à l'avenir si, pour assurer son modèle économique, le média d'information en ligne doit aussi vendre des places de théâtre, des abonnements de cinéma, des voyages, des équipements informatiques... et que cela se répercute sur la conception même du métier de journaliste et la manière de le faire au quotidien.

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